Daan Killemaes
“Sophie Wilmès, Première ministre des affaires qui déraillent”
Les tuiles s’envolent du toit fédéral, mais plus personne n’ose emprunter l’échelle pour faire les travaux de réparation. C’est ce qu’estime Daan Killemaes, rédacteur en chef de Trends.
Un ignorant pourrait accuser la Belgique de mener une politique budgétaire raisonnable. Beaucoup de banques centrales, d’institutions internationales et d’économistes appellent le monde occidental à augmenter les dépenses publiques afin de lutter contre le ralentissement de la croissance. Eh bien, c’est exactement ce que fait la Belgique. Le gouvernement soutient l’économie en empruntant et en dépensant généreusement. Le déficit budgétaire augmente rapidement et les dépenses publiques montent en flèche. Notre pays a même promu sa ministre du Budget, Sophie Wilmès, au poste de Première ministre afin de renforcer cette vision.
Pardon d’en faire une caricature, mais tout comme la nomination de Wilmès au poste de Première ministre, la politique fiscale belge est tout autant le fruit d’un “malgoverno” structurel et d’une impasse politique que le résultat d’une stratégie bien réfléchie. La politique belge n’est pas un exemple pour les autres pays, pour diverses raisons. Si le gouvernement fédéral a reçu une lettre de la Commission européenne la semaine dernière, ce n’était pas pour nous féliciter, mais pour nous réprimander pour le déraillement du budget et des dépenses publiques.
Un déficit budgétaire en période de risque de récession est autorisé si l’argent emprunté est utilisé pour renforcer le potentiel de croissance, par exemple en investissant dans les infrastructures ou dans la recherche et le développement. Ce n’est pas le cas en Belgique. Pendant des années, les investissements publics étaient traités comme un parent pauvre, et à part les belles paroles, il y a peu ou pas de changement à cet égard. Investir à crédit est et devrait être autorisé, mais la politique fiscale belge n’a rien à voir avec ça.
La triste vérité, c’est que le déficit budgétaire se creuse parce que la Belgique accuse un énorme déficit dans le domaine de la “préparation au vieillissement de la population”. L’élève était pourtant averti. La réalité démographique ne sort pas de nulle part. Des centaines de rapports ont été rédigés sur l’impact du vieillissement sur l’économie et le budget, dont les premiers remontent à plusieurs décennies. Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Les gouvernements violets ont gâché l’unique chance d’utiliser la prime de taux d’intérêt pour rembourser d’avance une partie substantielle des coûts du vieillissement. Le gouvernement Di Rupo et le gouvernement Michel ont procédé à des réformes des retraites, mais les deux tentatives peuvent être qualifiées de “trop peu et trop tard”. Ces dernières années, la politique budgétaire a excellé en rafistolage, avec quelques hausses d’impôts à gauche et quelques tentatives d’épargne à droite. Cette stratégie a atteint sa date d’expiration. Les dépenses de pensions, de soins de santé et d’invalidité ne sont plus sous contrôle. Et parce que personne ne s’occupe encore de la boutique, d’étranges coalitions voient la possibilité de se servir sans honte dans la boîte à biscuits.
Les tuiles s’envolent du toit fédéral, mais personne n’ose grimper sur l’échelle pour des travaux de réparation. Que voulez-vous? Vu la charge fiscale de plus de 45%, une forte augmentation des impôts risque de devenir très contre-productive. Une nouvelle réforme majeure des retraites s’impose d’urgence pour faire passer l’âge effectif de la retraite de près de 61 ans aujourd’hui à au moins 65 ans. Cependant, la population ne veut plus en entendre parler et les partis radicaux comme le Vlaams Belang et le PTB en font déjà leur beurre électoral. Et si vous voulez aussi mener une véritable politique keynésienne qui investit dans l’avenir, le gouvernement devra transférer des milliards d’euros des dépenses courantes vers l’investissement productif. D’ailleurs, le plus dur reste à venir. Le vieillissement de la population et les dépenses sociales associées ne culmineront pas avant 2040. Ce n’est pas la faute de Sophie Wilmès si elle peut ou doit diriger un gouvernement d’affaires qui déraillent, mais la nouvelle Première ministre ne doit pas renoncer au parler-vrai basé sur une analyse objective.
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