Sécurité sociale : un filet d’un autre siècle face aux tempêtes d’aujourd’hui

Inondations à Pépinster. © belga
Caroline Lallemand

Quatre ans après les inondations de 2021, la Belgique garde le souvenir des dégâts matériels et humains, mais aussi des défaillances institutionnelles. Ces événements ont mis en lumière un constat majeur : la sécurité sociale, conçue au XXe siècle pour répondre aux risques de santé, de chômage ou de vieillesse, n’est pas adaptée aux bouleversements climatiques et socioéconomiques du XXIe siècle.

C’est ce que souligne un rapport piloté par l’UCLouvain, en collaboration avec l’ULB et Sciences Po Paris. Les chercheurs y proposent une initiative inédite : une protection sociale-écologique, pensée non plus seulement pour indemniser après coup, mais pour anticiper les chocs à venir. Parmi leurs propositions, l’une se démarque : la création de revenus de transition pour accompagner les travailleurs vers des métiers d’intérêt écologique. Une mesure qui pourrait inaugurer une nouvelle forme de « flexisécurité climatique ».

Un système dépassé par les risques du climat

Le rapport rappelle que les risques à couvrir ne sont plus seulement sanitaires ou économiques. Ils sont désormais biophysiques — inondations, vagues de chaleur, mégafeux — et sociotechniques, comme les hausses du prix de l’énergie ou les reconversions imposées par les politiques climatiques. Ces chocs fragilisent des pans entiers de la population et aggravent les inégalités sociales.

Pour l’instant, la sécurité sociale reste essentiellement conçue pour « réparer après coup ». Elle indemnise une perte d’emploi, une maladie, un accident, mais n’intègre pas encore cette nouvelle catégorie de vulnérabilités. Résultat : ménages et travailleurs restent exposés sans filet adapté.

Pour répondre à ce défi, le rapport propose la mise en place de revenus de transition. Ces dispositifs offriraient un soutien financier temporaire aux travailleurs en reconversion vers des métiers liés à la transition écologique. L’objectif : sécuriser leurs parcours, éviter pertes de revenus et parcours discontinus, et transformer la transition en vecteur de résilience sociale et économique.

Une “flexisécurité” adaptée au XXIe siècle

Ces revenus s’inscrivent dans la logique de la flexisécurité. Ils concilient mobilité professionnelle et protection sociale. Sauf que dans ce cas, la flexibilité est directement liée au défi climatique. Elle protège les travailleurs des secousses liées aux fermetures d’activités carbonées et aux reconversions imposées par la régulation environnementale, tout en orientant leurs parcours vers des emplois compatibles avec les limites planétaires.

Derrière ce mécanisme se dessine une philosophie : passer d’un modèle curatif à un modèle préventif. Les revenus de transition ne sont pas une dépense supplémentaire, mais un investissement collectif qui amortit les chocs et préserve la cohésion sociale.

Une nouvelle branche sociale

Ces revenus pourraient s’intégrer à une branche dédiée aux risques sociaux-écologiques, aux côtés de la santé, des pensions, du chômage ou des allocations familiales. Celle-ci combinerait accès garanti à des services de base, critères environnementaux dans les prestations sociales et revenus de transition pour sécuriser les travailleurs.

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