Régularisation fiscale: “45 % d’amende, c’est lourd, surtout pour les héritiers de bonne foi”

Bart De Wever © Belga

Le gouvernement De Wever veut relancer la régularisation fiscale. Depuis 2023, aucune procédure ne permettait de rapatrier l’argent de l’étranger en Belgique, ce qui signifiait que les avoirs étaient souvent bloqués et que le fisc ne percevait pas d’impôts. « Le problème se pose surtout pour les personnes qui ont reçu des biens par le biais d’une donation ou d’un héritage », explique Dave van Moppes, cofondateur de Tuerlinckx Tax Lawyers.

« Lorsque le précédent régime a été abrogé, nous savions que de nombreux dossiers allaient se retrouver dans l’impasse, surtout en ce qui concerne les avoirs à l’étranger », constate Van Moppes. « Les banques belges figurent parmi les plus strictes d’Europe. Dès lors, un patrimoine sans preuve irréfutable de sa provenance ne peut plus être rapatrié. C’est une bonne chose que le gouvernement reconnaisse ce problème. Sinon, l’argent reste bloqué, au profit des banques ou des assureurs étrangers, mais pas des héritiers ou de l’État belge. »

Mais alors ?

VAN MOPPES. « La nouvelle régularisation fiscale est dans l’ensemble très similaire au régime précédent, bien qu’il y ait quelques nouveautés », a-t-il déclaré.

“Ce qui est particulièrement remarquable, c’est que les problèmes se posent moins pour les personnes ayant elles-mêmes commis des fautes fiscales, mais surtout pour les personnes qui ont reçu des biens en héritage ou en donation. Les enfants, mais aussi les neveux ou nièces, déclarent correctement ces biens hérités dans la succession et ils en paient des droits de succession. Pourtant, par la suite, les banques demandent souvent de prouver l’origine de cet argent.

« Or, en pratique, c’est souvent impossible, les banques ne conservent les données que pendant dix ans. Si les fonds ont été constitués dans les années 1980 ou 1990, il n’y a généralement plus de documentation à ce sujet. Parfois, une boîte de documents refait surface, mais cela reste l’exception. Le plus souvent, les preuves ont été perdues ou n’ont même jamais été conservées.

“De plus, il était parfaitement légal de travailler avec de l’argent liquide. Les paiements en espèces étaient la norme. Mais si à l’époque, si cet argent était transporté au Luxembourg, par exemple, et déposé sur un compte, il est aujourd’hui presque impossible d’en apporter la preuve. Les documents de l’ouverture de compte datant de cette époque n’existent souvent plus”.

Pas tout à fait de bonne foi ?

Dans le cadre de la régularisation d’un patrimoine hérité, une proposition a brièvement été envisagée afin d’accorder une amende avec un taux réduit aux héritiers ayant agi de bonne foi. Mais le gouvernement a finalement décidé de ne pas la retenir. Le régime prévoit donc des taux uniformes pour tous : 30 % sur les revenus non prescrits et 45 % sur les capitaux prescrits. Cela inclut également les héritiers ayant déclaré leur patrimoine de manière correcte, mais ne pouvant plus apporter de preuve concluante quant à son origine.

Que pensez-vous de ces taux ?

VAN MOPPES. « Une amende de 45 %, c’est particulièrement lourd, surtout pour des héritiers de bonne foi. Ces derniers ont déclaré leur patrimoine lors de la succession, payé les droits y afférents, et se voient néanmoins imposer une ponction supplémentaire de 45 % s’ils veulent rapatrier ces fonds mais sans plus disposer des documents justificatifs. Cela s’ajoute aux droits de succession, ce qui peut, dans certains cas, mener à une charge fiscale totale extrêmement élevée.

« Ce régime est donc peu incitatif. Je crains que de nombreux héritiers concernés ne laissent simplement l’argent à l’étranger, ou cherchent une banque étrangère moins stricte.

« Une solution possible serait que l’Administration fiscale autorise l’intégration de cette amende de régularisation comme passif dans la déclaration de succession. Ainsi, les droits de succession seraient calculés non pas sur l’ensemble du patrimoine, mais sur le solde après déduction de cette amende. Cela rendrait le régime sensiblement plus équitable. »

Le projet provisoire de loi-programme n’a pas encore été déposé au Parlement et il doit d’abord être rediscuté au sein du gouvernement.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content