Daan Killemaes
“Redonnez du souffle à notre économie”
Depuis une vingtaine d’années, la croissance légendaire de la productivité belge a pris du retard par rapport aux pays voisins, d’après Daan Killemaes, rédacteur en chef du Trends néerlandophone.
La Belgique peut s’enrichir en investissant. Préférer, à l’immobilisme, l’injection de 9 milliards d’euros dans le budget consacré aux investissements publics fera progresser le PIB de 2 % d’ici 2023 et même de 6 % d’ici 2029. Un investissement additionnel de 9 milliards d’euros par an entraînera donc à terme un gain de plus de 25 milliards d’euros en termes de prospérité, comme l’affirme le Fonds monétaire international dans son dernier rapport sur la Belgique.
Le FMI fait écho aux précédentes simulations du Bureau du Plan, qui arrive, dans les grandes lignes, aux mêmes conclusions. Il n’y a pas de meilleur investissement possible. Qu’attendent les pouvoirs publics fédéraux, régionaux et locaux pour redonner du souffle à l’économie belge ?
Investissements
C’est un mal qui ronge la Belgique depuis longtemps. Dans les années 80, le gouvernement a réduit les investissements publics pour assainir le budget. C’était un choix politique car tandis que les dépenses d’investissement stagnaient en termes réels depuis 1980, les dépenses consacrées aux prestations sociales et les charges salariales des pouvoirs publics affichaient respectivement un facteur d’évolution de 2,5 et de 2.
De plus, les investissements ont perdu en efficacité. La part affectée aux infrastructures pures a diminué au profit des écoles, des hôpitaux ou des logements sociaux. S’il n’y a aucun mal à investir dans ces domaines, ce sont les travaux liés aux infrastructures qui dopent le plus la croissance économique. La mobilité et l’énergie sont ici les points les plus sensibles.
Nos investissements sont trop faibles pour maintenir le stock de capital public. Celui-ci a chuté à 36 % du PIB, bien en dessous de la moyenne des pays voisins. De plus, la qualité des infrastructures s’est détériorée – un phénomène qui s’est accéléré ces dernières années – pour rallier la moyenne de l’Union européenne, mais se situer en dessous du niveau des pays voisins. Les trous dans les routes creusent donc en partie le trou dans le budget. Néanmoins, le béton n’est pas toujours la solution, non seulement parce qu’on manque d’espace, mais aussi parce que c’est inutile la plupart du temps. C’est l’amélioration des infrastructures existantes qui rapporte le plus.
“Redonnez du souffle à notre économie”
Le prix à payer pour tant de négligence est de plus en plus élevé. Les embouteillages représentent le symptôme le plus connu et le plus irritant du malaise sous-jacent. Une infrastructure déficiente pèse sur la productivité des entreprises et freine les investissements étrangers. Depuis une vingtaine d’années, la croissance légendaire de la productivité belge a pris du retard par rapport aux pays voisins. Le handicap du béton fait partie des causes à pointer.
La Banque nationale constate un cloisonnement des échanges entre les entreprises à un niveau local, ce qui accentue leur dépendance, surtout celle des PME, vis-à-vis de quelques grands acteurs locaux. Les autoroutes et le ring congestionnés se transforment en murs au lieu d’être des voies d’accès.
“Cette fragmentation de l’économie belge entraîne une polarisation accrue entre les zones en expansion et les zones en déclin, dans lesquelles les nouvelles entreprises croissent difficilement en raison d’un tissu économique plus clairsemé”, avertit la Banque nationale dans son dernier rapport annuel. Des zones qui se trouvent coupées du reste du pays sont menacées d’extinction sur le plan économique.
Qui va payer la note ? Une augmentation du budget de l’ordre de 9 milliards d’euros est nécessaire pour ramener le stock du capital public au niveau des pays voisins d’ici 2029. En relançant la croissance, cet investissement s’auto-remboursera en grande partie.
Travailler plus efficacement
Le reste doit provenir du report de certaines dépenses, car une augmentation des impôts ou un nouveau financement par la dette ne figure pas parmi les options de la Belgique. Selon les chiffres du FMI, les pouvoirs publics peuvent économiser 2,5 % du PIB en étant plus efficaces. C’est là que se trouvent les 9 milliards d’euros dont nous avons besoin.
On réalise de plus en plus que les choses ne peuvent pas continuer ainsi. Les politiques agitent des plans d’investissement, mais se contentent souvent de mettre un joli ruban autour de plans existants. Des pouvoirs publics plus performants qui investissent leurs bénéfices dans les infrastructures publiques, voilà qu’elle devra être la priorité dans les accords de gouvernement à partir de 2019. Les générations suivantes nous en seront reconnaissantes.
Traduction : virginie·dupont·sprl
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