Rapport de la BEI sur l’investissement: l’incertitude pèse
Le rapport annuel de la BEI sur l’investissement ne dresse pas un tableau optimiste. L’Union européenne et les États membres n’investissent pas suffisamment dans la lutte contre le changement climatique, la révolution numérique et les services publics, ce qui représente une menace pour la compétitivité, la productivité et l’inégalité des revenus en Europe.
La semaine dernière, la Banque européenne d’investissement a publié son rapport annuel sur les investissements européens. Celui-ci pointe de nombreuses lacunes et incertitudes. Les entreprises européennes se montrent pessimistes quant aux perspectives économiques de 2020. L’Union européenne est à la traîne par rapport aux États-Unis et à la Chine en termes d’investissements dans l’atténuation des changements climatiques, les investissements publics européens affichent un niveau historiquement bas et l’Europe peine à suivre le rythme imposé par la révolution numérique. En résumé, voici les résultats de l’enquête phare de la BEI menée auprès de 12.500 entreprises européennes.
Déficit d’investissement tous azimuts
Bien que l’investissement à hauteur de 21,5% du PIB de l’UE ait atteint un niveau supérieur à la moyenne à long terme, les entreprises européennes s’attendent à une dégradation de la conjoncture l’année prochaine. Selon le rapport de la BEI, elles sont plongées dans l’incertitude face à l’évolution politique, réglementaire et macroéconomique.
L’Union européenne est à la traîne par rapport aux autres pays développés en termes d’investissements climatiques. Avec 158 milliards d’euros, l’UE n’a consacré que 1,2% de son PIB à l’atténuation des changements climatiques l’année dernière. Ce chiffre est légèrement inférieur à celui des États-Unis (1,3%) et représente un peu plus d’un tiers de la performance de la Chine (3,3%). Afin d’atteindre une économie neutre en carbone d’ici à 2050, l’UE et les États membres doivent porter leurs investissements climatiques à 3% du PIB.
En outre, trop peu d’entreprises européennes investissent dans les technologies numériques. Seules 58% d’entre elles sont numériques, contre 69% aux États-Unis. Étonnamment, cet écart est particulièrement marqué dans le secteur des services (40 vs 61%).
Le bilan des investissements dans la recherche et le développement est également préoccupant. Les investissements européens sont bien inférieurs à ceux des autres grandes économies et concernent principalement l’industrie automobile, qui ne représente pas nécessairement un secteur d’avenir.
D’une manière générale, l’Union européenne est à la traîne. Au cours des vingt dernières années, les investissements européens dans la recherche et le développement ont à peine augmenté, passant d’un peu moins à un peu plus de 2% du PIB. En Chine, ils ont doublé, de 1 à 2%, aux États-Unis, ils sont structurellement supérieurs à 2,5% et au Japon, ils dépassent les 3%. En tête du classement, on trouve la Corée du Sud. Il y a vingt ans, elle a investi plus de 2% dans la recherche et le développement et aujourd’hui, elle dépasse les 4,5%.
La productivité diminue, l’inégalité des revenus augmente
La principale victime de ce déficit d’investissement est la productivité des entreprises européennes, qui stagne depuis plusieurs années. Un fossé s’est creusé entre les entreprises les plus productives et les autres. Seule une injection importante de capitaux pourra combler cet écart.
Les entreprises indiquent que le principal obstacle à l’investissement réside dans la pénurie de travailleurs possédant les compétences nécessaires. Plus de trois quarts des entreprises européennes déclarent ne pas procéder à des investissements faute de main-d’oeuvre adaptée. Selon le rapport, l’automatisation risque de supprimer entre 40 et 50% des emplois actuels.
La BEI reconnaît également que le déficit d’investissement européen met la cohésion sociale de l’UE sous pression. Le rapport décrit comment les inégalités de revenus ont augmenté, aussi bien d’une région à l’autre qu’au sein de chacune d’entre elles. Depuis 1995, le PIB par habitant de l’UE a augmenté de 45%. Au cours de cette période, les salaires avant impôts des 50% des revenus les plus bas n’ont progressé que de 16%, alors que le 1% de la population ayant les revenus les plus élevés a vu sa rémunération avant impôts s’accroître de 50%.
Selon la BEI, la cohésion sociale et l’État providence européen ont donc également besoin d’investissements solides pour s’adapter à l’évolution technologique et s’attaquer aux inégalités croissantes de revenus.
Outre le rapport général, la BEI publie ses conclusions pour chaque État membre dans des rapports par pays. La Belgique se situe dans la moyenne européenne en matière d’investissements et de perspectives d’investissements des entreprises dans presque tous les domaines.
Traduction : virginie·dupont·sprl
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici