Quand le sud de l’Europe donne une leçon de compétitivité aux voisins du nord, en ce compris la Belgique
Tantôt taclés de PIGS, au moment de la crise de la dette souveraine, puis de pays du “Club Med”, la Grèce, l’Italie, l’Espagne et le Portugal poursuivent leur rattrapage. Non seulement sur le plan budgétaire, mais plus étonnamment encore, en termes de compétitivité.
Une étude ING souffle un nouveau vent favorable pour les pays du sud de l’Europe. Elle pointe une amélioration de la compétitivité de l’Europe du Sud, alors que celle-ci se dégrade au nord. Pour établir ce constat, les économistes Carsten Brzeski et Bert Colij d’ING ont utilisé comme indicateur le coût unitaire relatif de main-d’œuvre, en le liant à la productivité (coût-prix).
Premier constat : la perte de compétitivité des pays du sud de l’Europe, qui a culminé lors de la crise de la dette, est de l’histoire ancienne. Au cours des quatre dernières années, la Belgique, l’Autriche, la France et les Pays-Bas ont vu la compétitivité du travail se détériorer en moyenne, alors qu’elle s’est améliorée pour l’Italie, l’Espagne et la Grèce.
Et le phénomène semble s’accélérer. Au cours des deux dernières années, le nord de l’Europe a été plus affecté par le pic d’inflation et la pénurie persistante de main-d’œuvre. Ce qui a provoqué une accélération de la croissance des salaires alors que la productivité trébuchait. Toute la zone euro est touchée, mais les Pays-Bas et l’Autriche connaissent actuellement leur pire détérioration du ratio compétitivité-coût du travail depuis le début de la zone euro, alors que la Grèce dispose du meilleur chiffre.
Deuxième constat : le rythme de croissance des exportations en Allemagne et aux Pays-Bas a été plus lent que celui de l’Espagne, du Portugal, de la Grèce et de l’Italie. Les entreprises industrielles du sud sont plus optimistes quant à leur position concurrentielle et ont vu la croissance de leurs exportations s’améliorer. Parmi les entreprises industrielles les plus pessimistes, on retrouve les entreprises allemandes, belges, autrichiennes et finlandaises.
Troisième constat : la croissance des investissements en capital est plus importante dans le sud de l’Europe que dans le nord, à l’exception de l’Espagne. Si on y ajoute les fonds de la relance européenne, qui arriveront entre 2024 et 2026, cela laisse, là encore, une plus grande marge de progression pour le sud, en termes de compétitivité.
Quatrième constat : la compétitivité de la Belgique prend un sérieux coût. Notre pays fait partie des mauvais élèves, son industrie est inquiète et la croissance des capitaux se détériorent. Entre les lignes, l’étude confirme que les coûts salariaux en Belgique, avec son système d’indexation automatique des salaires, augmentent plus rapidement que la productivité du travail. Une crainte répétée depuis longtemps par les employeurs, qui peut expliquer aujourd’hui certaines faillites, notamment sur le plan industriel.
Le comeback du sud de l’Europe
Le retour des pays du sud n’est pas nouveau et s’observe depuis la crise de la dette. Ces pays reviennent de loin. Au démarrage de la zone euro, la croissance de la productivité a été quasi nulle en Italie et en Espagne, par exemple, alors que les salaires ont augmenté aussi vite, voire plus vite que dans l’Europe du Nord. La Grèce, de son côté, a connu un gros gain de productivité mais qui a été totalement annulé par une trop forte croissance des salaires.
Dans les années 2010, la croissance des salaires a nettement chuté en Espagne, au Portugal et en Italie et a même été négative en Grèce. La croissance de la productivité a ralenti dans la plupart des pays de la zone euro au cours de cette période de faible investissement, mais ce sont l’Espagne et le Portugal qui s’en sont le mieux sortis, avec la croissance de compétitivité la plus forte. “Cet ajustement douloureux a porté ses fruits”, écrivent les économistes Carsten Brzeski et Bert Colijn. Dans l’autre sens, les pays d’Europe du Nord ont vu les salaires continuer à progresser. La période post-pandémie, comme on l’a vu, a accéléré ce processus.
“La fin de la modération salariale et la détérioration de la croissance de la productivité dans les pays d’Europe du Nord, combinées aux réformes structurelles dans les pays du sud, ont permis une convergence de la compétitivité au sein de la zone euro”, concluent les deux économistes. Ce qui n’est d’ailleurs pas forcément une mauvaise nouvelle, l’Europe économique devant tendre vers une certaine homogénéité.
Mais le tableau est toutefois moins rose quand on compare le Vieux Continent à d’autres zones géographiques. Les sous-performances de l’Europe du Nord montrent davantage un nivellement par le bas que par le haut. Autrement dit, les bonnes performances de l’Europe du Sud ne suffisent pas à combler les pertes du Nord, pour booster la compétitivité de la zone euro par rapport au reste du monde.
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