Prix du tabac : réalisme ou santé publique, faut-il choisir ?

Le ministre des Finances avait pris acte et inscrit noir sur blanc, dans un arrêté ministériel, son impuissance à imposer un prix minimal sur le tabac. Tollé dans les rangs politiques et craintes de concurrence déloyale au sein de l’UCM : Didier Reynders est revenu au texte original. “Mais cela ne changera rien sur le terrain !”, assène-t-il.

Après plusieurs hausses des accises sur le tabac, Didier Reynders, ministre des Finances, aurait ouvert la voie à une baisse des prix, si l’on en croit un article publié vendredi par Het Laatste Nieuws. Les commerçants pourraient donc vendre le tabac en dessous du prix signalé sur le timbre fiscal.

Depuis 1994, il est obligatoire de vendre le tabac au prix mentionné sur le timbre fiscal. Mais depuis le 1er novembre 2009, en vertu d’un arrêté ministériel rendu par Didier Reynders, cette obligation est devenue caduque, écrit le quotidien flamand. La chaîne de supermarchés Aldi a déjà profité de cette possibilité, a constaté le député Luc Van Biesen (Open VLD).

La décision du ministre des Finances suscite des tiraillements au gouvernement. Plusieurs partenaires, notamment Laurette Onkelinx, ministre de la Santé publique, déplorent une mesure qui va à l’encontre des efforts de lutte contre le cancer.

Prix du tabac : Reyndersréaffirme sa détermination à lutter contre le tabagisme en Belgique

Suite à la publication de cet article, Didier Reynders a signé vendredi un arrêté ministériel “reprenant la disposition incriminée”. Le nouveau texte stipule que, pour les tabacs manufacturés livrés à des détaillants tenant étalage dans un endroit accessible au public, les intéressés fixent eux-mêmes, par le choix du prix de vente au détail, la catégorie dans laquelle leurs produits doivent êtres rangés.

“Rien ne s’oppose dès lors à ce que les intéressés fassent apposer un signe fiscal correspondant à un prix de vente supérieur à la valeur réelle des produits, précise le texte. Mais une fois le signe apposé, les produits doivent obligatoirement être vendus au consommateur au prix indiqué sur celui-ci.” Cette disposition, affirme un communiqué du ministre, “vise à imposer un prix maximal aux opérateurs économiques pour être certain qu’ils s’acquittent correctement du montant des accises et de la TVA fixé par la réglementation”.

Didier Reynders rappelle par ailleurs qu’à son initiative, les montants d’accises et de TVA n’ont cessé d’augmenter ces dernières années. Ceci a entraîné une augmentation des prix qui situe la Belgique dans le peloton de tête (5e) des 27 pays européens. La dernière augmentation est intervenue par un arrêté ministériel du 11 mars 2010.

Le ministre réaffirme sa détermination à lutter contre le fléau que représente le tabagisme en Belgique. Il ne peut le faire que dans le cadre de ses compétences fiscales. Il ajoute toutefois que, comme la Cour de justice des communautés européennes l’a rappelé à plusieurs reprises, le ministre des Finances n’a aucune compétence pour fixer un prix minimum. Seule la vente à perte peut être réprimée par les ministres de l’Economie et de la Protection des consommateurs.

Tabac : la Cour européenne de justice interdit de fixer un prix minimum (Reynders)

“La situation mise en avant aujourd’hui, est une réalité depuis des années, a lui-même commenté le ministre des Finances. Nous ne pouvons fixer de prix de vente minimum. C’est interdit par la Cour de justice des communautés européennes. Nous pouvons en revanche fixer les accises et la TVA sur un prix maximum et veiller à ce que celles-ci soient correctement perçues.”

Didier Reynders ajoute que les commerçants peuvent donc vendre à un prix inférieur au prix maximum mais qu’ils doivent payer la TVA et les accises sur le prix de la bandelette. “Puisqu’on ne veut pas voir la réalité en face, j’ai donc modifié l’arrêté ministériel pour revenir au texte original. Mais cela ne changera rien sur le terrain !”

Le ministre insiste sur le fait que la seule chose que la Cour européenne de justice admette que l’on poursuive, est la vente à perte. Ce point doit être vérifié par les ministres de l’Economie et de la Protection des consommateurs. Il ajoute encore que la situation est la même pour les carburants : “On publie régulièrement des prix maximum mais ceux qui roulent en voiture savent bien que les prix à la pompe ne correspondent pas toujours à ce prix, et ce, malgré notre volonté de lutter contre le réchauffement climatique.”

Tabac : “Une décision incompréhensible et inacceptable en termes de santé publique !” (cdH)

Catherine Fonck, députée fédérale et vice-présidente du cdH, a réagi en se disant “scandalisée par la décision du ministre des Finances d’autoriser la diminution du prix de vente du tabac en-dessous du prix fixé par le timbre fiscal. Cette décision est incompréhensible et inacceptable en termes de santé publique !”

Elle rappelle qu’en Belgique, le tabac est à l’origine de 20.000 décès prématurés chaque année, et qu’il est évidemment lié au développement de cancers et de maladies cardiovasculaires. La députée rappelle également qu’elle a déposé, en 2004, une proposition de résolution visant à augmenter significativement par palier les accises spécifiques sur le tabac et les produits du tabac pour en décourager la consommation.

Sa proposition demandait également au gouvernement d’imposer un prix de vente minimum du tabac et des produits à base de tabac ainsi que d’intégrer dans la réglementation fiscale les produits et accessoires nécessaires à la consommation du tabac. Elle ajoute qu’elle redéposera ce texte à la Chambre.

En réponse à Catherine Fonck, Didier Reynders a ajouté qu’elle s’indigne aujourd’hui d’une situation qui existe depuis des années et à laquelle il n’a rien changé…

Tabac : le prix doit être celui indiqué sur la bandelette fiscale (UCM)

“Il est évident que les cigarettes doivent être vendues au prix figurant sur la bandelette fiscale : toute ristourne relève de la concurrence déloyale et contourne l’interdiction de promotion du tabac !, a réagi vendredi l’Union des classes moyennes. Il n’y a pas à débattre de la possibilité d’imposer ou non un prix minimum sur le tabac. Tout simplement, il doit être interdit de le vendre en dessous du montant figurant sur le produit.”

La publicité pour le tabac étant interdite, “il n’est pas acceptable d’accorder des promotions ou des ristournes, d’inciter à l’achat, de diminuer le prix pour utiliser la cigarette comme produit d’appel, assène l’UCM. C’est même choquant lorsqu’on voit les dégâts causés par le tabac (20.000 morts par an). Permettre la vente en dessous du prix annoncé, c’est aussi donner une arme concurrentielle aux grandes surfaces, que ni les franchisés, ni les libraires, ni les autres commerçants de proximité ne pourront utiliser vu la marge bénéficiaire très réduite sur le tabac. Cela relève donc de la concurrence déloyale.”

Trends.be, avec Belga

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