Il n’y a pas que l’incertitude géopolitique qui pèse sur le cours de l’or. Désormais, l’administration Trump entend imposer des droits de douane sur le lingot d’or. Les “futures” s’envolent déjà en avant-séance. Mais d’autres facteurs jouent, comme la perte de confiance dans le dollar.
Le 31 juillet dernier, l’administration américaine a discrètement changé la classification douanière des lingots d’or d’un kilo et de 100 onces, désormais soumis aux droits de douane imposés par Donald Trump. Ces produits, auparavant exemptés, relèvent désormais du code 7108.13.5500, qui les expose à des tarifs de 39 % sur les importations en provenance de la Suisse – premier pays exportateur de métal jaune vers les États-Unis.
Le cours de l’or bondit
Cette décision n’est pas anecdotique. Elle vise directement la chaîne d’approvisionnement mondiale : les lingots d’un kilo sont le standard du marché des futures sur l’or au Comex, à New York, et constituent l’essentiel des exportations suisses vers les États-Unis. Plusieurs raffineries helvétiques ont suspendu temporairement leurs expéditions, provoquant une dislocation du marché et une flambée des prix. Résultat : les contrats à terme pour livraison en décembre ont atteint un record historique de 3.534,10 dollars l’once, soit une hausse de 1,1 % sur une seule séance.
Cette nouvelle taxe ajoute un facteur d’instabilité dans un marché déjà sous pression. Elle accroît l’écart entre les prix spot et les contrats à terme, rend plus difficile la couverture des positions et perturbe la liquidité pour les grandes banques. Pour les analystes, elle pourrait “bouleverser le marché mondial du lingot“, selon les termes du Financial Times.
Le dollar en perte de crédit
Mais l’élément de fond est ailleurs. Dans une note récente, Bruno Colmant estime que l’or reste plus que jamais “un investissement attractif pour protéger son patrimoine”. Pourquoi ? L’économiste met en garde contre une secousse monétaire si Donald Trump venait à remplacer Jerome Powell à la tête de la Fed, par quelqu’un de plus conciliant. Que se passerait-il ? “Cette institution va immédiatement baisser les taux d’intérêt à court terme (sur lesquels elle peut essentiellement agir) en dessous du taux d’inflation.” Conséquence : “Les taux d’intérêt réels deviendront négatifs.” Et dès lors, le coût d’opportunité de la détention d’or s’en trouverait annulé, voire inversé.
Parallèlement, “il est donc tout à fait possible que le rendement réel sur les obligations à long terme américaines devienne nul, une fois les deux exigences des investisseurs (inflation et risque de crédit) déduites”, ajoute Bruno Colmant. Résultat : “Le dollar va se déprécier, et cette dépréciation va se conjuguer à une hausse de l’or, qui est une devise sans risque de crédit.”
Un marché en lévitation
Le prix spot de l’or évolue aujourd’hui autour de 3.398 dollars l’once. Depuis le début de l’année, le métal précieux a bondi de 27 %, porté par l’inflation persistante, les doutes sur les finances publiques occidentales et la fragmentation croissante du commerce mondial.
Historiquement, l’or a toujours profité des périodes de turbulences monétaires et géopolitiques. Mais ce nouveau cycle haussier diffère des précédents : il est alimenté à la fois par des facteurs conjoncturels – guerre commerciale, politique monétaire – et structurels, comme la diversification des banques centrales et la désoccidentalisation des réserves.
Le métal jaune n’a rien d’un actif du passé. Bien au contraire. À l’heure où les équilibres monétaires vacillent et où la confiance dans le dollar s’effrite, l’or retrouve une place stratégique. Ce n’est plus seulement un refuge, c’est une assurance contre l’imprévisible. Et dans le climat actuel, elle devient de plus en plus précieuse.