Les États-Unis et l’Europe renforcent les sanctions contre le secteur énergétique russe, mais pas de la même manière. Explications.
Face à l’intransigeance de Moscou sur le dossier ukrainien, les États-Unis ont annoncé un nouveau train de sanctions contre la Russie. Ces mesures prévoient le gel de tous les actifs de Rosneft et de Lukoil sur le territoire américain, ainsi qu’une interdiction pour les entreprises américaines de commercer avec ces deux géants pétroliers russes.
L’annonce a immédiatement provoqué des remous sur les marchés mondiaux de l’énergie, alimentant les craintes d’un resserrement de l’offre et d’une flambée des prix du pétrole, situe l’économiste de la banque CBC Bernard Keppenne : “Si la Chine et l’Inde devaient drastiquement réduire leurs achats de pétrole russe, leurs économies respectives devraient se tourner vers de nouvelles sources d’approvisionnement, ce qui pourrait faire grimper les prix mondiaux.” Les deux groupes ciblés par les sanctions représentent en effet une part importante de la production russe : Rosneft revendique environ 40 % et Lukoil près de 15 % de la production nationale.
Le gaz, pas le pétrole
Réunis en sommet jeudi à Bruxelles, les pays de l’Union européenne ont quant à eux adopté leur 19ᵉ paquet de sanctions à l’égard de Moscou. Celui-ci prévoit notamment l’arrêt total des importations de gaz naturel liquéfié russe d’ici à fin 2026. À l’instar des mesures américaines, ces sanctions visent à frapper la Russie au portefeuille, en réduisant ses revenus issus des énergies fossiles, afin de freiner le financement de la guerre en Ukraine.
Si les sanctions européennes ne suivent pas celles de Donald Trump et ne visent pas directement le pétrole, c’est parce que ce dernier est déjà soumis à un embargo maritime depuis 2023, rappelle Bernard Keppenne : “L’Europe n’achète plus de pétrole russe depuis longtemps ; elle continue en revanche d’importer du gaz. L’Union avait déjà pris des mesures dans ce domaine, ces nouvelles sanctions viennent simplement les renforcer.”
Lukoil épargné
Mais certains États membres restent tributaires des importations russes par oléoducs, ce qui rend toute interdiction totale économiquement délicate. “C’est notamment le cas de La Bulgarie et de la Roumanie, indique Bernard Keppenne. Les deux pays sont directement concernés par les sanctions américaines, car ils disposent de raffineries sur leur territoire et restent très dépendants du pétrole russe.”
Si les restrictions sur les transactions avec Rosneft sont renforcées, Lukoil, ciblée par Washington, échappe ainsi pour l’heure aux sanctions européennes. Cette exemption s’explique justement par la présence de raffineries de Lukoil en Bulgarie et en Roumanie, ainsi que par sa présence dans la distribution en Belgique, via son réseau de stations-service.
“Cela étant, précise Bernard Keppenne, la disparition des stations Lukoil en Belgique n’aurait quasiment aucun impact pour les consommateurs, ni sur les prix, ni sur la disponibilité. Le réseau pourrait être repris par d’autres opérateurs, et le maillage des stations est suffisamment dense. Certaines compagnies de leasing automobile ont même déjà retiré depuis longtemps Lukoil de la liste des stations disponibles”, souligne l’économiste.