Pourquoi les réductions du Black Friday sont moins importantes qu’auparavant?
Avez-vous eu aussi cette impression que les rabais du Black Friday ne sont plus aussi élevés qu’il y a quelques années ? Ce sentiment est tout à fait justifié, estime Pierre-Alexandre Billiet, expert en commerce de détail. Il explique pourquoi le Black Friday n’est plus du tout une aubaine, que cela soit pour les boutiques en ligne et les magasins physiques. Besoin de dépoussiérer la formule !
Avec le Cyber Monday, nous arrivons à la fin de la période du Black Friday et de ses réductions (plus si avantageuses). La fin de cette période souligne qu’il est grand temps de débriefer tout cela. Vendredi déjà, Test-Achats s’était jeté à l’eau : moins d’un quart des réductions du Black Friday sont de véritables bonnes affaires. L’organisation de consommateurs entend par là que le prix est inférieur ou au moins aussi élevé par rapport aux 12 mois précédents.
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Test-Achats n’est pas le seul à le dire. Le magazine britannique Which a constaté, lors d’une grande enquête réalisée en 2021, que 98 % des produits censés être vendus à prix réduit lors du Black Friday avaient en fait déjà été annoncés moins chers à un autre moment de l’année.
Pourtant, il fut un temps où les consommateurs pouvaient vraiment faire de bonnes affaires pendant le Black Friday, explique Pierre-Alexandre Billiet, expert en commerce de détail chez Gondola. “L’intuition, que beaucoup de personnes ont eue cette année, était correcte : les réductions du Black Friday n’ont pas été aussi importantes cette année que par le passé”, déclare-t-il. Il y a une bonne dizaine d’années, le Black Friday a déferlé sur l’Europe depuis les États-Unis. C’était aussi l’époque où les boutiques en ligne se développaient et concurrençaient les magasins physiques. La période de fin d’année avait toujours été le terrain de jeu des magasins physiques, mettant le commerce électronique en difficultés. Les boutiques en ligne ont alors trouvé la parade : gagner des parts de marché grâce au “Black Friday” et à des rabais importants.
Faibles marges, personnel coûteux
Avec le temps, le “Black Friday” est peut-être devenu en quelque sorte une tradition, mais son véritable moteur, à savoir des réductions intéressantes, est au point mort. “La croissance du secteur du commerce électronique s’est ralentie. C’est un problème parce que le Black Friday ne fonctionne bien que dans des conditions économiques spécifiques”, explique M. Billiet. “Il faut des incitations de la part des consommateurs, du commerce de détail et de l’économie. En réalité, le Black Friday n’est pas un « cadeau » pour le secteur du commerce de détail. Tout d’abord, il y a la production des produits pour ce jour spécifique (ou ces jours spécifiques, ndlr). Il s’agit souvent de produits sans marque importés de Chine, spécialement pour cette période, à très bas prix. Mais l’usine du monde est devenue beaucoup plus chère qu’auparavant. En conséquence, les détaillants ont des marges bénéficiaires plus faibles que par le passé”.
Cette baisse des marges s’accompagne également d’une augmentation des frais de personnel pendant les périodes de forte activité, comme la semaine du “Black Friday”. “De nombreux magasins physiques et en ligne ne sont plus disposés à payer ces coûts supplémentaires, car le retour sur investissement est tout simplement trop faible. Il ne faut pas non plus considérer uniquement le personnel des magasins pour les frais de personnel. Il y a aussi des hausses de prix dans les secteurs de la logistique et les ressources humaines. C’est la raison pour laquelle les remises du vendredi noir commencent plus tôt chaque année. Les détaillants essaient d’éviter autant que possible les périodes de pointe”, explique l’expert en commerce de détail.
Pression et tromperie
Si les magasins ne réalisent pas de si bons bénéfices que cela le jour du Black Friday, pourquoi continuent-ils à participer à cette fête des bonnes affaires ? “Il y a une sorte de participation minimale attendue de la part des magasins, car tous leurs concurrents y participent également. C’est paradoxal : ils ne peuvent pas se retirer.
Une autre conséquence est que certains magasins se livrent à de prétendues remises, mais qui sont en réalité trompeuses, pour maximiser leurs marges bénéficiaires. Vous verrez souvent un prix barré à côté d’une publicité indiquant le prix le plus bas du Black Friday. Depuis cette année, les magasins et les boutiques en ligne sont tenus d’afficher comme prix barré le prix moyen le plus bas des 30 derniers jours, afin de contrecarrer les fausses remises. Seulement les magasins contournent cette législation en annonçant à la place le “prix recommandé”, qui n’est pas barré. Le prix conseillé est recommandé par le fabricant et ne reflète pas nécessairement le prix le plus bas de la période écoulée.
Une législation absurde
Pierre-Alexandre Billiet, de Gondola, note que la nouvelle législation belge n’est plus adaptée. Annoncer le prix moyen le plus bas des 30 derniers jours n’a plus de sens depuis l’émergence du phénomène de “yield pricing”. Il s’agit de prix qui peuvent stratégiquement changer à la minute dans les boutiques en ligne.
En outre, cette législation risque également de rendre les boutiques en ligne belges moins compétitives que les boutiques étrangères. En effet, la législation ne s’applique pas aux acteurs étrangers tels que Bol et Amazon, même s’ils opèrent dans notre pays et qu’ils sont les leaders du marché. En bref : la législation part peut-être d’une bonne intention, mais ses effets manquent totalement leur cible.
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