Pourquoi la taxation des tickets d’avion est impossible en Belgique

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L’Allemagne va augmenter les taxes sur les billets d’avion et diminuer la TVA sur les voyages en train. En Belgique, nul n’ose imposer des taxes, par crainte de la concurrence des aéroports des pays voisins.

C’est décidé : l’Allemagne va, pour des raisons environnementales, augmenter les taxes sur les voyages aériens à partir du 1er avril 2020. Les passagers payeront 13,03 euros par vol court-courrier au lieu de 5,53 euros actuellement, et la taxe pour les longs-courriers passera de 42,18 euros à 59,43 euros. A l’inverse, la TVA sur le train sera diminuée de 19 % à 7 %.

La France prend des mesures similaires en imposant des écotaxes sur les vols : de 1,5 euro pour un vol domestique ou intra-européen en classe économique jusqu’à 18 euros pour un long-courrier en classe affaires, ce qui s’ajoute à une taxe de solidarité déjà existante (de 1,13 à 45,07 euros).

Ces taxes compensent la relative immunisation fiscale des compagnies aériennes. Elles paient seulement l’impôt sur leurs bénéfices. Mais les vols internationaux sont exemptés de TVA et il n’y a pas d’accises sur le kérosène, en vertu de la Convention de Chicago qui organise le transport aérien international. Pour beaucoup de défenseurs de l’environnement, cette situation encourage l’avion, même sur les parcours réalisables en train, qui émet pourtant moins de CO2 par passager.

La Belgique, elle, ne bouge pas. Les petits pays hésitent à taxer les billets. Une bonne partie de leur trafic provient en effet de voyageurs de pays voisins. Les aéroports y sont donc plus vulnérables. En 2013, la Région wallonne a voulu lever une taxe de 3 euros par passager. Ryanair a répondu en promettant de réduire de 17% ses vols à Charleroi. Le gouvernement wallon a battu en retraite. La Belgique préfère une approche européenne.

Les Pays-Bas et l’Irlande ont aussi tenté d’imposer une taxe mais ont dû la retirer. Seuls les grands pays comme la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie osent taxer l’aérien. Les Pays-Bas vont tenter de réintroduire en 2021 une taxe de 7,5 euros par ticket au départ de leurs aéroports pour compenser l’émission de CO2. Ils défendent une taxe sur le kérosène à l’échelle de l’Europe et espèrent que la nouvelle Commission la mettra à l’agenda.

Quel est l’impact d’une hausse ?

” Je ne m’attends pas à des changements radicaux, commente Edoardo Traversa, professeur de droit fiscal à l’UCLouvain. L’aérien est un secteur sensible et symbolique pour beaucoup d’Etats. La Wallonie ne va jamais bouger, l’aéroport de Charleroi est déjà très peu bénéficiaire. ” En Belgique, la fiscalité du carburant est une compétence fédérale, celle des passagers une compétence régionale.

” Il y a une nécessité de rééquilibrer la concurrence entre le train et l’avion, continue Edoardo Traversa. On pourrait parler ou reparler d’une TVA au niveau européen. ” La Commission européenne sortante a commandé un rapport pour évaluer l’impact d’une taxation des vols. L’étude, réalisée par le bureau CE Delft, sortie en juin dernier, conclut que ” dans la plupart des pays, une augmentation de 10% du prix du ticket mène à une baisse de la demande de 9 à 11%. Cela correspond à une réduction similaire du nombre de vols. ” La balle est dans le camp de la nouvelle Commission.

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