Pourquoi la crise chez DéFI et les remous au MR font vaciller le centre-droit
Les tensions internes dans ces deux partis au sujet des listes sont-ils de nature à peser sur les élections du 9 juin prochain? C’est peut-être l’avenir du centre-droit francophone qui se joue ces jours-ci.
Un spectacle hallucinant chez DéFI, du jamais vu en politique belge, susceptible de faire exploser la formation présidée par François De Smet. Et des tensions diffuses au MR, qui font resonger à des épisodes passés au sein des libéraux, guerre des clans et présidents fragilisés à la clé.
Les épisodes de ces derniers jours pourraient jouer un rôle décisif dans la campagne électorale. Voici pourquoi.
L’explosion de DéFI
Chez DéFI, c’est panique à bord. Le président, François De Smet, tente de garder le cap de son programme en diffusant des séquences consacrées à la lutte contre les narcotrafiquants ou l’abattage rituel. Mais partout, on ne parle que du bras de fer désastreux entamé par l’ancien président, Olivier Maingain, suite au vote sur la liste régionale bruxelloise.
En substance, Olivier Maingain accuse le chef de cabinet du président de “tricherie”: ce dernier aurait décidé de recompter les voix, après l’approbation d’une liste qui mettait plusieurs des sympathisants d’Olivier Maingain à de très bonnes places. A travers cette attaque en règle, l’ancien président demande à François De Smet de se “ressaisir’. “Il a franchi une ligne rouge”, dénonce la députée régionale Joëlle Maison. Rien n’y fait: l’ancien président persistait ce jeudi matin en livrant sur les réseaux sociaux d’anciens échanges mettant en évidence le caractère antisémite du chef de cabinet. Un point de non-retour.
Le parti pourrait littéralement exploser, ou Olivier Maingain pourrait le quitter. En tout état de cause, c’est une très mauvaise histoire pour un parti qui se situe à 7,8% à Bruxelles dans notre sondage Kantar – un score très en baisse par rapport au scrutin précédent.
Un congrès et un appel au calme
Un nouveau congrès général est convoqué le 7 mars pour tenter de déminer l’affaire. Tous les ministres et députés du parti, de Bernard Clerfayt à Sophie Rohonyi en passant par Cécile Jodoigne ou Joëlle Maison, ont diffusé un communiqué commun vendredi pour appeller à “dépasser les luttes fratricides, renouer avec le dialogue”.
“DéFI est plus qu’une lutte fratricide, écrivent-ils. Plus qu’un conflit entre un ancien président et un
président en exercice. DéFI c’est d’abord des idées, des militants et des mandataires qui
sont sur le terrain, travaillent au parlement, dirigent des communes ou participent à un
gouvernement. C’est une vision de la politique aujourd’hui trahie par des attaques qui
déshonorent celui qui a lancé les hostilités autant que le parti tout entier, plongé dans un
conflit que personne ne voulait. Nous en sommes les premiers déçus.”
Et d’espérer: “Un conseil général se tiendra prochainement et sera l’occasion des explications, du débat
démocratique et, éventuellement, d’un nouveau vote. Pour que ce moment soit celui de la
réconciliation et de l’intelligence, nous souhaitons sortir de la logique brutale des
déclarations tapageuses pour renouer avec un dialogue constructif. Notre espace de
communication doit se concentrer sur nos valeurs, nos projets et nos programmes pour les
citoyens. Démontrons ensemble que chez DéFI, la démocratie triomphe toujours.”
Luttes d’egos au MR
Au MR, les résultats du sondage ne préoccupent pas autant. Mais la saga de la confection des listes est, là aussi, désastreuse. Après le retrait forcé de Charles Michel de la tête de liste européenne, un parfum de guerre des clans a resurgi avec la critique à peine voilée de Didier Reynders, qui visait lui aussi cette position, mais refuse de servir de remplaçant.
La candidature de Sophie Wilmès s’impose, selon ses partisans, pour faire “un effet waouw” sur tout la Belgique francophone, au vu de sa popularité. Devenue une sorte de “mère” de la patrie depuis la crise du Covid, l’ancienne Première ministre avait pourtant été nommée comme tête de liste à la Chambre. Un lieu ô combien stratégique, que privilégie le président, Georges-Louis Bouchez, car c’est là que se joueront les futures majorités. Mais il n’obtiendra pas gain de cause.
S’en suit une série de rumeurs et d’informations au sujet de “lapins blancs” que le président pourrait sortir de son chapeau pour tirer cette liste bruxelloise à la Chambre, le dernier nom en date étant celui de… Rodrigo Beenkens, présentateur sportif de la RTBF, qui aurait décliné. Mais en interne, les dents grincent à nouveau au sujet de ce président adepte des “coups”, tandis que d’aucuns rappellent que… la secrétaire d’Etat au Budget, Alexia Bertrand, aurait fait une parfaite tête de liste. Mais elle est partie… à l’Open VLD. Tiens, grincent même d’autres, pourquoi pas… Olivier Maingain? Pour rappel, celui-ci avait claqué la porte de la fédération PRL-FDF au lendemain de la sixième réforme de l’Etat.
En tout cas, cela devient un running gag et le président Bouchez est irrité: il a attaqué frontalement La Libre ce matin, après que le quotidien, ait évoqué une réunion de crise, jeudi soir, qui n’a pas eu lieu ou aurait été annulée. Le journal maintient ses informations, s’indigne de l’attaque et évoque aussi un plaidoyer pour l’ex-ministre Valérie Glatigny comme tête de liste.
Un axe libéral fragilisé
Dans les deux cas, la fumée blanche pourrait tomber dans un sens ou dans un autre en cette fin de semaine. Outre le dégât que cela fait à une politique déjà mal vue dans son ensemble, cette friture sur la ligne, dans les deux cas, donne un mauvais tournant à la campagne, alors que le combat est féroce. Et qu’il faudra bien tout au centre-droit pour forcer l’entrée dans une majorité, alors que le président du PS, Paul Magnette, rêve tout haut de “la majorité la plus progressiste possible”.
Précision, aussi, face à une majorité bruxelloise (PS – Ecolo – DéFI) en grande difficulté, le MR a une belle carte à jouer dans la capitale, précisément, où il est au coude-à-coude avec le PTB dans nos sondages. Des tentations existeraient d’un pré-accord entre le MR et DéFI pour tenter de bloquer le PS après le scrutin et remettre la main sur la capitale. Raison de plus pour mettre un terme à ce malaise au sein des deux formations.
Souvent, et ce n’est pas un hasard, les partis libéraux sont ceux au sein desquels on se déchire le plus pour des questions d’ego, ou du moins où l’on met le plus cela sur la place publique. Car au PS bruxellois aussi, pour le moment, les antagonismes sont furieux entre laïcs et communautaristes.
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