Pour la BCE, qui laisse ses taux inchangés, l’objectif d’inflation est désormais atteint

Christine Lagarde, présidente de la BCE: mission accomplie. Photo: Arne Dedert/dpa
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

La BCE a laissé ce jeudi ses taux inchangés. L’économie européenne s’est montrée en début d’année plus résiliente que prévu, et le choc inflationniste est derrière nous, observe Christine Lagarde, la présidente de l’institution. Quant au reste, et notamment l’impact de la guerre commerciale, il est très compliqué de faire des projections, ajoute-t-elle.

La Banque centrale européenne a appuyé sur le bouton « pause » ce jeudi, en maintenant ses taux directeurs inchangés. Cela signifie que le taux principal, celui de la facilité de dépôt, reste à 2%. Après avoir réduit les taux de 4% (en septembre 2023) à 2% (en juin dernier), grâce à huit baisses successives, la BCE se trouve aujourd’hui dans une position d’observation. «Nous sommes maintenant confiants que le choc inflationniste des dernières années est derrière nous. Et notre travail maintenant est de regarder ce qui vient et d’attendre », a déclaré Christine Lagarde.

Bien positionné

« Nous sommes dans une bonne position », a-t-elle répété, soulignant que l’inflation est actuellement à 2 %, et que, plus important encore, les projections ancrent cette hausse limitée de 2% dans le moyen terme.

Les salaires, souvent au cœur des préoccupations inflationnistes, évoluent dans la « bonne direction », ajoute Christine Lagarde, avec une tendance à la baisse attendue. Cette modération salariale, combinée à la capacité des profits à absorber une partie des augmentations de prix, est évidemment une très bonne chose.

La résilience de l’économie européenne constitue une autre bonne nouvelle. Au premier trimestre, la zone euro a enregistré une croissance de 0,6 %, un chiffre « surprenant ». Certes, une partie attribuable de cette croissance est attribuable à l’Irlande, dont le PIB a bondi de 9,7% au premier trimestre . Ce saut de carpe est dû à une forte augmentation des exportations, stimulée par les entreprises multinationales, qui ont leur siège en Irlande, avant l’imposition de nouveaux tarifs douaniers aux États-Unis. Mais Christine Lagarde a aussi souligné que cette croissance n’est pas uniquement due à cet effet d’anticipation. « C’est aussi une consommation accrue et des investissements accrus », a-t-elle précisé, suggérant une dynamique économique plus large et plus robuste que prévu. Cette résilience conforte la BCE dans sa conviction que le choc inflationniste des dernières années est désormais derrière elle.

Disruption et inflation

Moins bonne nouvelle : l’incertitude générale qui entoure la politique commerciale américaine. Les tensions commerciales occupent une place centrale dans les préoccupations de la BCE. Alors que l’on semble s’acheminer vers des droits de douane de 15% pour l’Union européenne, l’impact potentiel des divers scénario (guerre commerciale avec représailles ou sans, droits limités à 10,15,20%..) est difficile à évaluer. « C’est un ensemble très compliqué de facteurs que nous devrons analyser », avoue la présidente de la BCE.

« Les droits de douane sectoriels, appliqués par exemple à l’automobile, à l’acier ou à l’aluminium, ainsi que les incertitudes sur les produits pharmaceutiques, ajoutent à cette complexité », dit-elle. De plus, les droits imposés à d’autres pays pourraient entraîner les flux

commerciaux dans d’autres directions, avec des effets indirects sur l’économie européenne. En étant très prudente, Christine Lagarde suppose que ces perturbations seront inflationnistes, en raison de certaines disruptions dans les chaînes d’approvisionnement et de distribution. « « Il y aura probablement des problèmes de goulots d’étranglement à la suite des perturbations commerciales », a-t-elle expliqué, ajoutant que les modifications des chaînes d’approvisionnement pourraient amplifier les pressions sur les prix. Mais Christine Lagarde reconnaît qu’il est encore trop tôt pour déterminer si ces effets seront temporaires ou durables, laissant planer une incertitude sur l’évolution future de l’inflation.

« Toute décision de politique monétaire future sera prise sur la base des données, réunion par réunion, sans être prédéterminée par un chemin particulier », a-t-elle insisté. Cette prudence reflète la nécessité de naviguer dans un environnement marqué par des incertitudes commerciales et géopolitiques.

L’euro numérique, une priorité

Interrogée sur la loi prise récemment par le Congrès américain pour encadrer les stable coins, ces crypto actifs adossés au dollar, Christine Lagarde n’a pas voulu dire si ce big bang voulu par les États-Unis pour encourager le secteur était une menace pour la zone euro. Elle estime qu’il est important d’avoir un cadre légal pour clarifier les risques et les opportunités de ces instruments, mais a jugé prématuré de tirer des conclusions. « Il est un peu tôt dans le processus pour avoir une compréhension claire et précise des conséquences », dit-elle. Elle a en revanche insisté à nouveau sur la nécessité d’avoir un euro numérique.

« Nous devons nous concentrer sur ce que nous faisons ici, en Europe. Nous devons nous assurer que nous sommes solides en termes d’émission et de protection de la monnaie. Nous sommes les gardiens de l’euro et c’est notre priorité ultime, affirme la patronne de la BCE. Bien sûr, ajoute-t-elle, nous sommes attentifs à ce qui se passe ailleurs et aux dangers. Mais nous devons nous assurer qu’à la maison, nous prenons toutes les mesures nécessaires pour protéger et préserver notre monnaie. À cet égard, nous sommes très résolument concentrés sur le développement de l’euro numérique et faisons tout ce que nous pouvons pour être prêts à rendre cette forme numérique de monnaie souveraine disponible dans les plus brefs délais. »

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