Rudy Aernoudt
Plus de belges au travail: “Entre ambition et réalité”
Il y a une entreprise à la frontière linguistique, côté wallon. Sur le panneau à l’entrée, on peut lire : “Ici on parle français”. En face, du côté flamand, une autre entreprise avec à l’entrée le panneau : “Hier wordt niet gepraat, hier wordt gewerkt”. C’est là une des nombreuses blagues qui circulent sur la soi-disant inertie des Wallons.
Non, le Wallon n’est pas plus paresseux que le Flamand mais la Belgique est le seul pays au monde qui autorise le chômage à vie. Le VDAB et le Forem ne ménagent pourtant par leurs efforts pour mettre les chômeurs au travail. Comme il y a plus de travail en Flandre qu’en Wallonie, le taux d’emploi est plus élevé en Flandre qu’en Wallonie depuis des décennies. On ne peut donc que se réjouir à l’annonce par le nouveau gouvernement de la Région wallonne d’un nouvel objectif en matière de taux d’emploi : ” Le taux d’emploi doit augmenter de 1% annuellement pour atteindre un taux de 68,3% d’ici à 2024 “, peut-on lire dans la déclaration du gouvernement wallon. L’absence d’objectif du gouvernement bruxellois est tout à fait regrettable.
L’objectif wallon est-il suffisamment ambitieux ? Selon la note de Bart De Wever, la Flandre veut atteindre les 80% d’ici à 2024, ce qui, au regard du taux d’emploi actuel de 75%, équivaut à 1% d’augmentation annuelle. Reste une différence de 12%. Autrement dit, si les deux Régions atteignent leur objectif, dans cinq ans, huit Flamands sur 10 de 18 à 65 ans seront à pied d’oeuvre, contre moins de sept Wallons sur 10.
Compte tenu du contexte européen également, l’objectif de la Wallonie manque cruellement d’ambition. Dans l’Union européenne, le taux d’emploi moyen des 20 à 64 ans s’élève aujourd’hui à 73%. L’objectif que la Wallonie s’est fixé pour les cinq ans à venir est donc inférieur à la moyenne actuelle de l’UE. Qui plus est, l’objectif stratégique de l’Europe pour 2020 est d’atteindre un taux d’emploi global de 75% dans l’ensemble de l’Union d’ici à 2020, un objectif déjà atteint dans neuf pays européens.
En Wallonie, le taux d’emploi s’élève à 63,7% (chiffres de juillet 2019), contre 62,1% en 2010. Soit une hausse de 1,6% en neuf ans. L’objectif de 5% d’ici à cinq ans ne pourra être atteint sans mesures d’accompagnement. Le marché de l’emploi, aujourd’hui très différent, offre plus d’opportunités : il existe de nombreux emplois vacants et Agoria estime à 550.000 le nombre de postes vacants non attribués. Le problème n’est donc pas la création d’emplois mais bien le manque de personnel ad hoc. Il importe donc d’instaurer un système qui encourage et motive les travailleurs. Et c’est précisément là que le bât blesse. La déclaration de politique régionale wallonne pour 2019-2024 ne prévoit aucune mesure d’activation. La formation est la priorité n°1, mesure importante, certes, mais insuffisante pour mettre 120.000 Wallons supplémentaires au travail, le nombre requis pour atteindre l’objectif de 68,3% en 2024.
Pour accroître le taux d’emploi, quatre mesures s’avèrent indispensables. Il faut :
1. Encourager les chômeurs à accepter un job car l’alternative – à savoir les indemnités de chômage – n’est qu’une assurance pour ceux qui veulent travailler mais ne trouvent pas – pour le moment du moins – de job leur convenant sur le marché du travail. Une politique plus stricte devrait être instaurée prioritairement au niveau régional, puisque la fonction de contrôle a été régionalisée.
2. Faire en sorte que le travail soit plus rémunérateur que le chômage, ce qui n’est malheureusement pas encore toujours le cas, surtout pour les emplois peu qualifiés et du fait des nombreux avantages pécuniaires liés au statut de chômeur.
3. Repenser le rôle des syndicats : plutôt que défendre les droits des chômeurs, ils devraient devenir des partenaires du plein emploi. Leur modèle de financement doit être modifié. Actuellement basée sur le nombre de chômeurs, leur dotation devrait être positivement corrélée au taux d’emploi. Historiquement, les syndicats se sont toujours battus – avec succès – pour le droit au travail, pas pour le droit au chômage.
4. Enfin, le chômage ne peut être une nomination à vie. La Belgique ne peut plus se permettre d’être le seul pays au monde à offrir des indemnités de chômage illimitées dans le temps.
Ces mesures, à prendre de préférence simultanément, sont la seule façon de réaliser nos ambitions au niveau du taux d’emploi, tant en Flandre qu’en Wallonie. Elles auraient aussi pour effet de combler le fossé entre le Nord et le Sud. Un taux d’emploi plus élevé serait également une bonne chose pour le budget. Espérons que les autorités auront le courage de prendre les bonnes décisions.
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