Pierre-Yves Dermagne (PS): “La droite n’a que le mot sanction à la bouche”

PIERRE-YVES DERMAGNE “La perspective des sanctions a un impact limité sur le retour à l’emploi, toutes les études le montrent.” © BELGA IMAGE
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

“On ne l’entend jamais parler réellement de formation ni d’obligations pour l’employeur de former ses travailleurs, regrette le vice-Premier PS. De manière générale, la différence entre le travail et l’inactivité doit être plus grande. Je continue à plaider pour un salaire minimum revu à la hausse.”

“A droite, on préfère insister sur le fait que des gens percevraient soi-disant des ponts d’or en se croisant les bras. Moi je veux rester objectif. Et montrer la réalité des chiffres.” Voilà ce que rétorque Pierre-Yves Dermagne, vice-Premier ministre PS au fédéral, en charge de l’Emploi, lorsque l’on évoque la volonté exprimée par plusieurs partis, dont Vooruit, de renforcer les mesures à l’encontre des chômeurs.

Trois réalités à rappeler

Son argumentaire (qui, précisons-le, compare des salaires bruts avec les allocations de chômage) se décline tout d’abord en trois réalités qu’il veut rappeler.

• Première réalité: un travailleur qui perçoit le salaire minimum perd une part importante de ses revenus s’il tombe au chômage. Autrement dit, il existe bel et bien un écart entre le revenu du travail et une allocation sociale. “Un travailleur ou une travailleuse qui perçoit le salaire minimum reçoit 1.955 euros bruts à la fin du mois, sans distinction d’âge. Imaginons que cette personne perde son emploi, expose le ministre. Elle va percevoir des allocations mais, dans tous les cas de figure, recevra moins que ce qu’elle gagnait: 1.650 euros si elle est cheffe de ménage (- 305 euros), 1.337 euros si elle est isolée (- 618 euros) et 1.287 euros si elle est cohabitante (- 668 euros). Pour info: dans certains cas, cette perte s’accroît avec le temps. Par exemple, après quelques mois (3e période), un cohabitant n’aura plus que 694 euros. La perte représente donc 1.261 euros par mois.”

Le ministre veut inciter le travailleur à temps partiel involontaire à demander une allocation de garantie de revenu.

• Deuxième réalité: lorsque les salaires sont plus élevés, la perte l’est également une fois au chômage. “Par exemple, si un travailleur avec un salaire moyen de 3.850 euros bruts perd son emploi, il aura une allocation de 2.079 euros pendant les premiers mois (- 1.771 euros) qui diminuera progressivement pour atteindre (en troisième période): 1.650 euros pour un chef de ménage (-2.200 euros), 1.337 euros pour un isolé (- 2.513 euros) et 694 euros pour un cohabitant (- 3.156 euros).”

• Troisième réalité: les allocations de chômage sont pratiquement toutes en dessous du seuil de pauvreté. Ce dernier était, en 2022, de 1.366 euros pour une personne seule et de 2.868 euros par mois pour un ménage de deux adultes et deux enfants. “Cela montre que, s’il y a un problème, il concerne d’abord les plus bas et moyens revenus, ce qui justifie que la réforme fiscale s’y concentre”, commente le ministre.

Les avantages des travailleurs

Les chômeurs ont-ils plus d’avantages que les travailleurs? “Au PS, nous nous battons notamment pour les personnes qui travaillent beaucoup, mais qui ne gagnent pas beaucoup, rétorque Pierre-Yves Dermagne. C’est la raison pour laquelle j’ai insisté pour que le salaire minimum soit enfin augmenté, pour la première fois depuis 12 ans!” “Aujourd’hui, grâce au PS, une personne à bas revenus peut bénéficier du statut BIM (bénéficiaire d’intervention majorée), ajoute-t-il. Ce statut lui permet de bénéficier d’une série d’aides comme le tarif social énergie. Quiconque perçoit moins de 23.303,84 euros annuels bruts imposables en 2022, majorés de 4.314,18 euros par personne en plus dans le ménage, a également droit à ce statut. Durant la période où les prix de l’énergie ont explosé, le PS s’est également battu pour avoir un tarif social élargi.” Pierre-Yves Dermagne précise qu’il ne faut pas oublier que les travailleurs aussi ont souvent des avantages: une prime de congés payés, une prime de fin d’année ou un 13e mois, des chèques-repas, des écochèques, un téléphone avec abonnement, parfois une voiture de société, etc. “Ce sont des avantages auxquels les demandeurs d’emploi n’ont pas droit.”

Le cas de la caissière

Dans le cadre des “pièges à l’emploi”, d’aucuns ont avancé le cas de la caissière en temps partiel qui gagne moins qu’un chômeur. “Une caissière qui travaille à temps partiel peut avoir un revenu inférieur à l’allocation de chômage, reconnaît-il. Parfois, les travailleurs sont mêmes contraints de travailler à temps partiel car l’employeur ne propose pas de contrat à temps plein. On peut penser à des secteurs comme les titres-services ou la grande distribution.” Pour faire face à cette réalité, Pierre-Yves Dermagne suggère cinq moyens d’action:

1. Faire respecter l’obligation pour les employeurs de donner priorité aux travailleurs à temps partiel quand un poste vacant à temps plein s’ouvre dans l’entreprise.

2. Inciter le travailleur à temps partiel involontaire à demander une allocation de garantie de revenu. Celle-ci lui permettra de s’assurer que le revenu perçu est au minimum au moins égal à l’allocation de chômage qu’il aurait perçue s’il ne travaillait pas.

3. Récompenser davantage ceux et celles qui travaillent. Le ministre a déjà mis en place la possibilité d’obtenir une prime temporaire (25% de l’allocation) lorsque le travailleur reprend le travail dans un métier en pénurie ou une autre Région. Selon lui, on doit aller plus loin.

4. Activer le nouveau régime de cumul des allocations pour les travailleurs à temps partiel de longue durée. Il sera mis en place prochainement. L’objectif est que le travailleur conserve, pendant deux ans, une partie de ses allocations de chômage (ou RIS) lorsqu’il reprend le travail à temps partiel afin qu’il ait la certitude d’en sortir gagnant.

5. Réformer l’allocation de garantie de revenu. Concrètement? Une proposition en ce sens sera portée devant le gouvernement. En vertu de celle-ci, une personne qui travaille moins d’un mi-temps devrait gagner 10% en plus que si elle ne travaillait pas. Une personne qui travaille entre un mi-temps et deux tiers temps gagnerait 15% de revenu en plus que si elle ne travaillait pas. Une personne qui travaille à plus de deux tiers temps gagnerait 20% de revenus en plus que si elle ne travaillait pas.

Non aux suppressions

Supprimer les allocations des chômeurs inactifs depuis deux ans? Pour le PS, c’est non! “On parle d’imposer un ‘emploi de base’ à un demandeur d’emploi après deux ans d’inactivité, souligne Pierre-Yves Dermagne. S’il refuse, il perdra ses droits en protection sociale, pension, etc. Sur ce point, les libéraux prennent aussi le problème à l’envers. Selon eux, le principal souci, c’est l’inactivité. Et pas le fait d’empêcher des gens de sombrer dans la pauvreté.”

La perspective des sanctions a un impact limité sur le retour à l’emploi, toutes études le montrent, ajoute le vice-Premier PS. De plus, ces exclusions n’ont que peu d’effets sur les finances publiques. Car il est prouvé que les anciens bénéficiaires se tournent vers d’autres types d’allocations. Enfin, une personne qui perd ses droits au chômage se verra exclue dans le même temps de toute une série de mesures d’accompagnement vers l’emploi.”

Conclusion: “La droite n’a que les mots exclusion et sanction à la bouche. On ne l’entend jamais parler réellement de ‘formation’ (et d’obligations pour l’employeur de former ses travailleurs, par exemple). De manière générale, la différence entre le travail et l’inactivité doit être plus grande. Je continue à plaider pour un salaire minimum revu à la hausse, au-delà de ce que nous avons déjà fait sous ce gouvernement. La réduction des pièges à l’emploi pourrait motiver les chômeurs longue durée à retrouver un emploi.”

Réforme fiscale, nous voilà…

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