Pascal Delwit (ULB): “la loi pandémie ne doit permettre aucune ambiguïté sur l’Etat de droit”
Après l’urgence, la situation actuelle ne justifie plus que le gouvernement s’affranchisse des contraintes juridiques, estime le politologue.
1. Suite à l’ordonnance du tribunal de première instance de Bruxelles qui juge illégales les mesures anti-Covid, le gouvernement va en appel, expliquant que plusieurs décisions précédentes du Conseil d’Etat confortent le fondement de ces mesures. Pensez-vous que le tribunal puisse donner raison à l’Etat sur cette base?
Par hypothèse, oui. C’est un débat contradictoire et le gouvernement peut faire valoir des arguments. Même en première instance, c’était un débat contradictoire entre les avocats de l’Etat et ceux des plaignants, en particulier de la Ligue des droits humains. Néanmoins, même si le Conseil d’Etat a conforté la vision du gouvernement, la question de la légalité des mesures prises dans le cadre du Covid est soulevée depuis longtemps. Le fait qu’une thèse ait été confortée en première instance est par ailleurs un élément important, même si cela ne veut pas dire qu’elle sera ipso facto confortée en appel.
2. Afin de contrecarrer la décision du tribunal qui donne 30 jours au gouvernement pour se mettre en conformité, les travaux s’accélèrent en vue d’adopter la fameuse loi Pandémie. Mais si cette loi ne répond pas à certaines condi- tions précises, ne risque-t-elle pas d’être un texte contestable de plus?
Le fait qu’il y ait des contestations sur le contenu de cette loi n’est en soi pas un problème. C’est la règle de la démocratie. Après, d’un point de vue juridique, ce serait bien que le texte reçoive un avis positif du Conseil d’Etat. Il s’agit simplement d’un avis puisque seule la Cour constitutionnelle peut trancher. Ensuite, je dirais que plus la majorité sera claire et large pour adopter la loi, mieux ce sera.
3. Certains disent que le texte devrait notamment prévoir une consultation préalable de la section législation du Conseil d’Etat pour tout arrêté réglementaire qui serait pris dans le cadre de la lutte contre de la pandémie…
Ce serait indubitablement mieux. Cela me paraît par ailleurs de plus en plus faisable et possible car nous sommes de moins en moins dans l’urgence pour prendre des décisions. Le passage par la section législation du Conseil d’Etat ne serait donc pas un handicap pour lutter contre la pandémie. Après, en faire une condition sine qua non, c’est un débat. En réalité, nous sommes confrontés à une tendance générale des gouvernements à s’affranchir des contraintes juridiques. Mais si l’on veut bien rester dans un Etat de droit digne de ce nom, il faut éviter d’accepter cette voie-là. Plus profonde et claire sera cette loi, mieux ce sera. Il ne faut pas simplement justifier ce qui a été fait par le passé, ce que certains souhaiteraient faire. Il faut poser des balises et faire en sorte qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur l’Etat de droit et sur la constitutionnalité de certaines décisions.
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