Par-delà les clichés, Thomas Dermine lance ses recettes pour la Wallonie 

Thomas Dermine. BELGA PHOTO NICOLAS MAETERLINCK
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le secrétaire d’Etat fédéral, figure montante du PS, publie un livre pour démonter les idées reçues de la Flandre à l’égard des “Wallons paresseux”. Mais aussi et surtout pour baliser l’avenir.

J’ai 37 ans et je ne vais pas m’excuser pour ce qui a été fait alors que je n’étais pas né.” Pas de mea culpa pour les erreurs du passé, dans le livre de Thomas Dermine, secrétaire d’Etat fédéral et figure montante du PS. Mais une longue démonstration pour “objectiver” le regard des Flamands à l’égard de la Région. Et une volonté de ne pas se complaire dans le passé pour construire l’avenir. 

“Le triomphe du discours nationaliste” 

L’homme écrit et parle avec la sincérité qu’il lui est possible d’avoir: difficile d’éreinter ce qui a été quand on occupe la place qu’il occupe et compliqué de décréter sa flamme aux patrons flamands quand le PTB menace. Mais avec nuances, il pose des constats qui suscitent la réflexion et dépose des propositions utiles pour réformer davantage encore cette Région en souffrance. 

Thomas Dermine regrette ces clichés véhiculés en Flandre au sujet de la Wallonie: “le discours nationaliste a triomphé”, regrette-t-il en reconnaissant l’intelligence de la N-VA, qui a transformé des revendications culturelles et linguistiques et un combat économique contre le la Wallonie en retard. “Avec ce livre, je veux changer les perspectives pour les Flamands, dit-il. Et pour les Wallons, je veux les aider à se libérer des clichés qui génèrent du défaitisme.” 

Balayons donc les clichés, voilà son invitation. Allons-y. 

Un écart économique stabilisé 

L’écart économique entre la Wallonie et la Flandre continue-t-elle de se creuser? Dans les années 1960, le fossé s’est creusé et a continué au cours des deux décennies suivantes, souligne-t-il. L’écart est important: entre 25 et 28%! “Mais cet écart ne se creuse plus depuis vingt ans, souligne Dermine. Je suis économiste de formation, l’économie doit s’analyser sur le temps long. Cela dit, il est évident que cet écart est une situation dans laquelle on ne peut se complaire.” 

Pour étayer son propose, il évoque encore des comparaisons internationales démontrant que toutes les régions marquées par la désindustrialisation et la fermeture des mines ont éprouvé les mêmes difficultés. En Flandre aussi, dans le Limbourg. A l’inverse, les Régions ouvertes sur le monde et culturellement ancrées ont prospéré: c’est le cas de la Flandre comme d’Hambourg, Rotterdam ou la Catalogne. “La Wallonie doit se comparer davantage avec le Nord-Pas-de-Calais ou la Ruhr.” 

Et lorsque l’on affirme que la Wallonie est un désert économique, il s’insurge: il suffit de regarder le Brabant wallon. “Les plans de reconversion ont fonctionné, ajoute-t-il. Des études indépendantes ont montré qu’il y a eu des succès. Mais ils restent trop limités pour avoir un impact majeur en terme d’emplois.” Et contrairement au cliché, le Wallon n’est pas paresseux: toutes les études montrent qu’il est prêt à travailler, davantage même que le Flamand, mais le cadre est moins propice. 

Des transferts Nord-Sud pas si massifs 

Les fameux transferts Nord-Sud en matière de sécurité sociale ne sont-ils pas un signe de cet écart inacceptable? Thomas Dermine rappelle qu’on les évalue à sept milliards d’euros par an, 6 milliards depuis la Flandre et un milliard depuis Bruxelles. “C’est une réalité objective, dit-il. Mais ces transferts diminuent chaque année.” Il y a 25 ans, ils représentaient 2% du PIB contre 1,5% du PIB aujourd’hui. Le vieillissement de la population flamande explique en partie cette évolution. 

Mais ces transferts sont nettement moins importants que dans la plupart des autres pays européens, entre les régions les plus riches et les plus pauvres, ajoute-t-il. “Nous payons, dans le discours politique, ce match de ping-pong permanent entre la Flandre et la Wallonie. On n’imagine pas l’Auverge-Rhône-Alpes se plaindre des régions les plus pauvres de France.” En outre, on ne tient pas compte des transferts en terme de revenus: chez nous, c’est Bruxelles qui arrose généreusement les autres régions, dont les Brabant flamand et wallon. 

Six orientations pour demain 

Mais là où le livre de Thomas Dermine est en réalité le plus intéressant, c’est lorsqu’il propose six orientations pour demain. “Je veux montrer qu’en Wallonie, il y a une génération de politiques et d’entrepreneurs qui veulent aller de l’avant et construire un avenir qui ne soit pas en opposition avec la Flandre”, dit-il.

Premièrement, il s’agir de miser sur la relocalisation industrielle dans nos secteurs forts. Mais au-delà des succès relatifs des plans de relance, il est question de veiller à l’impact en matière d’emplois. 

Deuxièmement, saisir les opportunités de la transition écologique. “Les économies du bois et de l’eau, le tourisme, la transformation de l’habitat…: ce sont autant de domaines en phase avec l’économie locale.” 

Trosièmement, réconcilier aménagement du territoire et développement économique. “La plupart des régions misent sur une métropole forte, nous n’en avons pas en Wallonie.” Ou alors, il faut choisir entre Charleroi et Liège, sans oublier Namur et Louvain-La-Neuve: pas gagné. 

Quatrièment, réagir à l’urgence du capital humain. Dans une société de la connaissance, la force de l’enseignement supérieur est une priorité absolue. 

Cinquièmement, sceller un nouveau partenariat économique avec la Flandre. “Nous avons des complémentarités évidentes”, dit Thomas Dermine. Qui souligne combien les patrons flamands sont intéressés par sa démarche et souhaitent inverser la tendance, en voyant d’un mauvais œil une région flamande qui serait dominée par l’extrême droite. 

Enfin, développer un sens de la responsabilité wallon. “J’admire en Flandre l’esprit d’entreprise et la volonté de travailler au service économique de la Région.” Il y a lieu, aussi, de renforcer la fierté wallonne et une culture de la réussite. 

Message reçu, messieurs du PTB? 

Wallonie-Flandre, par-delà les clichés, Thomas Dermine, éditions Kennes, 240 p., 24,90 euros. 

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