Pacte de stabilité : la Belgique entre l’enclume allemande et le marteau européen

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Les discussions concernant la réforme du pacte de stabilité sont difficiles. Mais au vu des exigences allemandes, quel que soit le résultat final, nous serons mal pris et la Belgique devra faire de très gros efforts.

Entre, d’un côté, les pays « vertueux » du Nord et surtout l’Allemagne, dont la constitution empêche de faire du déficit pour investir, et de l’autre les pays du Sud (dont la Belgique) qui désirent un relâchement budgétaire, la tension devient de plus en plus palpable.

On l’a encore vu cette nuit, lorsque, vers 3 heures du matin, après 8 heures de discussion, les ministres des Finances européens se sont quittés sans avoir réussi à se mettre d’accord sur les règles qui doivent constituer le nouveau pacte de stabilité. Ces fameuses règles (ne pas excéder un déficit de 3% du PIB et un endettement de 60% du PIB) avaient été suspendues  en mars 2020 en raison de la crise sanitaire. Mais elles vont reprendre en janvier prochain, normalement sous une forme nouvelle sauf si les grands argentiers ne parviennent pas à se mettre d’accord. Dans ce cas, l’ancien pacte reprendra du service.

Des règles stupides ?

La Commission européenne avait proposé de remodeler ces règles, jugées trop strictes dès le départ. On se souvient du Président de la Commission de l’époque, Mario Prodi, qui avait jugé en 2002 « stupides, comme toutes les décisions qui sont rigides » ces limitations à la dépenses publiques. A l’époque la France mais aussi l’Allemagne étaient en plein dépassement.

Pour donner un peu de souplesse au pacte, la Commission avait proposé en avril de cette année d’individualiser les règles tout en maintenant l’objectif. Elle avait  proposé que les Etats membres présentent des plans budgétaires pluriannuels et définissent des trajectoires budgétaires. « Pour chaque État membre dont le déficit public dépasse 3 % du PIB ou dont la dette publique dépasse 60 % du PIB, la Commission publiera une « trajectoire technique » par pays. Cette trajectoire visera à faire en sorte que la dette soit placée sur une trajectoire descendante plausible ou maintenue à des niveaux prudents, et que le déficit reste ou soit ramené et maintenu en dessous de 3 % du PIB à moyen terme », expliquait alors la Commission.

Karlsruhe, un bâton dans les roues

Mais les problèmes allemands viennent compliquer la donne. On sait que Berlin a de grands besoins d’investissement dans l’infrastructure, et que le pays cherche aussi à soutenir une industrie qui, avec la crise énergétique, est mise à mal. Les enquêtes montrent de la part du patronat allemand un désir inquiétant de délocaliser leur production, ailleurs en Europe, aux Etats-Unis ou en Asie. Mais l’Allemagne a inscrit dans sa constitution un frein à l’endettement : le pays ne peut avoir sauf circonstance exceptionnelle, un déficit public qui dépasse 0,35%du PIB par an.

Berlin avait pensé pouvoir contourner la règle en créant des fonds spéciaux, hors budgets, pour soutenir l’économie. Le gouvernement avait ainsi décidé d’injecter 60 milliards d’euros d’argent qui avait été emprunté lors du Covid mais n’avait pas servi pour financer un fonds d’aide aux PME. Mais voici quelques semaines, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a sifflé la fin de la récréation et a dit que ce n’était pas possible.

Mais les problèmes allemands déteignent désormais sur toute la zone euro. Car évidemment, pour éviter que des pays moins contraints continuent à aider leurs entreprises avec de l’argent public et fassent concurrence aux entreprises allemandes, le gouvernement allemand est plus strict que jamais lors des discussions qui ont lieu ces jours-ci sur les nouvelles règles du pacte de stabilité. En gros, Berlin veut que les pays très endettés réduisent le plus rapidement possible leur endettement.

Le cancre belge

Voilà qui nous concerne en premier chef. La Belgique a, selon les calculs d’Éric Dor (IESEG Scholl of management) la dette publique par habitant la plus élevée, avec 52.378 euros pesant sur la tête de chaque habitant du Royaume (les Italiens n’ont que 49.873 euros et les Français 44.370 euros). Par ailleurs, la Commission européenne vient de prévenir notre pays que le plan budgétaire 2024 qui lui a été présenté est « hors des clous » : nos dépenses primaires, c’est-à-dire hors charge d’intérêt, dépassent de 0,9% du PIB le maximum fixé par l’exécutif européen.

Et la Commission ne croit pas tellement non plus aux prévisions du gouvernement. Ce dernier table sur un déficit de 4,6% du PIB l’an prochain, la Commission estime plutôt que ce sera 4,9%. Cela alors que la moyenne des déficits de la zone euro, l’an prochain, devrait tomber sous les fameux 3% (2,8% selon la Commission). Voilà qui conforte clairement notre place de cancre budgétaire de l’Europe.

On mesure l’effort gigantesque que le pays devra faire lorsque l’on se penche sur les propositions de compromis qui ont circulé hier. Pour convaincre l’Allemagne, explique le site Politico, « en début de semaine, des fonctionnaires espagnols (l’Espagne occupe la présidence de l’UE jusque fin décembre, notre pays prenant le relai en janvier, NDLR) ont fait circuler un texte de compromis visant à trouver un terrain d’entente entre les deux camps. Cette proposition (…) exigeait des pays très endettés qu’ils maintiennent leur déficit annuel à environ 1,5 % du PIB et qu’ils réduisent leur dette d’au moins 1 % de leur PIB chaque année ». Mais cette proposition a été jugée insuffisante par Berlin.

Une chose paraît claire. Que l’on fixe de nouvelles règles pour le pacte de stabilité ou que l’on revienne, s’il n’y a pas d’accord, aux anciennes, les grade fou budgétaire seront stricts, et la Belgique devra fournir un effort budgétaire gigantesque.

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