Olivier Willocx (Beci): “Le taux de faillites risque d’être multiplié par trois”
Le CEO de l’union des entrepreneurs bruxellois salue les mesures de relance prises au niveau fédéral. Il anticipe de gros bouleversements dans le monde du travail.
La coalition fédérale élargie a pris ce week-end une série de mesures de soutien à l’économie. Répondent-elles à vos attentes ?
En bonne partie, oui. Une disposition comme la déductibilité à 100% des frais de restaurant en Belgique aura par exemple un impact réel et elle corrige un mécanisme quand même bizarre : pourquoi une entreprise pouvait-elle déduire à 100% ses frais de restaurant à l’étranger et pas en Belgique ? Il y a toutefois aussi des mesures un peu gadgets et dont la lisibilité est un peu plus faible, comme ce chèque consommation de 300 euros. Beaucoup d’entreprises ont des problèmes de solvabilité, je doute qu’elles ouvrent des discussions syndicales pour offrir de tels chèques à leur personnel.
On a beaucoup parlé de la TVA à 6% mais la mesure phare n’est-elle pas la réduction de précompte professionnel pour les travailleurs qui reprennent le boulot après une période de chômage temporaire ? Elle cible vraiment les entreprises impactées par la crise et qui tentent de redémarrer.
C’est effectivement l’élément clé. Il faut tout faire pour éviter que ça ne tourne en eau de boudin en sortie de crise. Aujourd’hui, il n’y a techniquement pas de faillites mais quand on va libérer les choses, on risque de découvrir les cadavres. A Bruxelles, nous redoutons de voir le taux de faillites multiplié par trois et atteindre les 10 à 15%. Peut-être, est-ce un mal nécessaire. Je m’explique : si tout le monde repart à 85 ou 90%, tout le tissu économique sera fragilisé. Si je permets à certains d’arrêter, il y aura un report de chiffre d’affaires sur les autres, ce qui leur assurera une croissance. Même pour l’entrepreneur failli, cela peut être une opportunité de repartir avec les compteurs à zéro plutôt que de vivoter pendant parfois de longues années. Le gros souci de ce scénario, c’est la problématique en cascade : quand tout un secteur est en difficulté – comme l’horeca – les fournisseurs souffrent aussi. Nous devons y être très attentifs dans le plan de relance.
Quelles autres mesures préconisez-vous pour cette relance ?
Après les incidents de ce dimanche, il faut rassurer en garantissant l’ordre et la sécurité. Tout le coeur de la ville est terriblement fragilisé par l’absence totale de touristes étrangers. Comment réaliser le shift vers une clientèle nationale pour les hôtels bruxellois ? Une action sur la sécurité et la propreté est fondamentale. Allons-nous vers une politique de tolérance zéro ? Je comprends que ce soit délicat pour la gestion publique et politique. Plus largement, il faudra profiter de la circonstance pour faire une opération ” reset “ des stratégies bruxelloises. Nous allons assister à des ajustements qui risquent d’être spectaculaires dans le secteur des services. J’étais persuadé qu’avec le télétravail, le marché des bureaux professionnels allait chuter. En réalité, c’est la tendance inverse, à court terme du moins, en raison des règles de distanciation sociale. Le recours aux freelances plutôt qu’aux contrats de salarié va s’accentuer car les entreprises auront besoin de souplesse. L’évolution pourrait même avoir un impact sur les salaires : les rémunérations sont plus élevées à Bruxelles, notamment pour attirer des navetteurs. Avec deux ou trois jours de télétravail par semaine, ces salaires se justifient-ils ? Et une voiture de société se justifie-t-elle pour celui qui travaille de chez lui plusieurs fois par semaine ?
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