Niveau record de dividendes en Belgique : un scandale, vraiment ?

De plus en plus d’entreprises versent des dividendes toujours plus élevés, jusqu’à 91 milliards d’euros en 2023. C’est ce qui ressort d’une analyse réalisée par Trends en collaboration avec Trends Business Information. Cela ne signifie pas que les actionnaires finaux verront tout cet argent arriver sur leurs comptes. Les grandes entreprises, en particulier, envoient ces dividendes d’une branche à l’autre.

Pour l’exercice 2023, 129 416 entreprises belges ont distribué une partie de leurs bénéfices sous forme de dividendes, selon une analyse de Trends et de la base de données financières et économiques Trends Business Information (TBI). « C’est un record », indique Pascal Flisch, analyste chez TBI. « Un total d’environ 91 milliards d’euros a été versé. En 2019, on ne dénombrait encore que 74 000 entreprises pour 55 milliards d’euros. Tous les types d’entreprises, des plus petites aux plus grandes, versent des dividendes. Un quart des entreprises comptant jusqu’à quatre salariés le font. Parmi les plus grandes entreprises, à partir de mille salariés, ce chiffre passe à plus d’un tiers. »

La Flandre est en tête, avec plus de deux tiers des entreprises qui versent des dividendes. La région bruxelloise n’en verse pas un dixième et la Wallonie à peine plus d’un cinquième. Plus de 26 % des entreprises flamandes ayant déposé un bilan ont versé un dividende en 2023. En Wallonie, ce chiffre est de 22 %, et à Bruxelles de 17 % seulement.

À moitié taxé

Ces 91 milliards d’euros de bénéfices pour les entreprises semblent donner raison aux partis de gauche de notre pays : l’argent peut être pris là où ils pensent qu’il se trouve, c’est-à-dire chez les riches. Mais cette histoire mérite bien des nuances.

Ces 91 milliards représentent simplement la somme que les entreprises veulent distribuer à leurs actionnaires à partir de leurs bénéfices. Cela ne signifie pas que les actionnaires « finaux » verront tout cet argent apparaître sur leurs comptes. « Car dans ce cas, les impôts sont en fait déjà payés deux fois : au début de la chaîne et à la fin », explique Luc De Broe, spécialiste du droit fiscal et professeur émérite à la KU Leuven. « Au début de la chaîne, une entreprise paie l’impôt sur les sociétés sur ses bénéfices. En Belgique, le taux officiel est de 25 %. Sur le dividende que l’actionnaire reçoit – la fin de la chaîne – un précompte mobilier de 30 % est également dû. L’entreprise le prélève à l’avance. Au total, il s’agit donc d’un impôt d’environ 50 % sur les bénéfices et les dividendes.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Et ne perdons jamais de vue que ces dividendes sont le fruit d’une prise de risque. Une prise de risque qui récompense l’investissement, plutôt que de laisser dormir de l’argent sur un compte d’épargne, par exemple.

Holdings intermédiaires : beaucoup de dividendes, peu de liquidités

La grande majorité des entreprises figurant dans notre liste des plus grands payeurs de dividendes sont des holdings intermédiaires. Elles versent des sommes parfois gigantesques, mais qui ne parviennent donc pas à l’actionnaire final.

« Il ne faut évidemment pas se contenter d’additionner tous les dividendes », prévient Luc De Broe. « Une société holding mère n’est pas obligée de verser à l’actionnaire final la totalité du dividende payé par une société holding intermédiaire. Un tel holding intermédiaire est parfois considéré comme un véhicule fiscal, mais ce n’est pas nécessairement le cas. De grandes entreprises se structurent de cette manière. »

« Prenons l’exemple d’une multinationale américaine possédant plusieurs succursales en Europe. Un holding intermédiaire est alors créé dans l’un des États membres de l’Union européenne – la Belgique, par exemple – qui centralise les opérations dans les différents pays européens. Les dividendes des succursales étrangères dans les autres pays européens sont également versés à ce holding intermédiaire, qui peut parfois afficher des bénéfices très importants dans son bilan. Ces dividendes provenant de l’étranger ne sont pas imposés dans le pays de la holding intermédiaire, si l’impôt sur les sociétés a déjà été payé dans le pays où se trouve la succursale. Dans ce cas, il s’agit d’un revenu définitivement taxé, ce qui correspond à la réglementation européenne. »

« Il y a quelques années encore, il était moins intéressant de créer un tel holding intermédiaire en Belgique, car l’exonération fiscale ne s’appliquait qu’à 95 % du montant. L’impôt devait être payé sur les 5 % restants. La Belgique n’était donc pas suffisamment compétitive. L’exonération a été portée à 100 % sous le gouvernement Michel ».

Le numéro un de notre liste est un holding intermédiaire de ce type. La bv Exxon Mobil Petroleum & Chemical tire principalement ses bénéfices de plusieurs filiales étrangères. Elle emploie plus de 1 800 personnes en Belgique et son bénéfice d’exploitation s’élève à 800 millions d’euros. Mais c’est la succursale de Breda qui s’est taillé la part du lion.

Le numéro deux, bv InBev Belgium, tire également l’essentiel de ses revenus financiers de ses filiales à l’étranger. Ainsi, la société mère AB InBev, numéro sept de notre liste, finit par verser moins de dividendes que la filiale n’en perçoit.

Les plus gros payeurs de dividendes

Les plus grands payeurs de dividendes – Trends

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content