“Mesdames et messieurs les parlementaires, vous vous targuez d’avoir ‘sauvé’ des étudiants. Mais de quoi, au juste?”
Christine Dupont, doyenne de la faculté des bioingénieurs de l’UCLouvain, exprime son dépit après le vote par le PS et Ecolo de la modification de la réforme de l’enseignement supérieur, avec le soutien du PTB. Un cri du coeur, parmi d’autres.
C’est un cri du coeur, un parmi d’autres émanant de professeurs d’université qui ne comprennent pas le jeu auquel se livrent les politiques. “Cette nuit, j’ai perdu toute confiance en vous, mesdames et messieurs les parlementaires, écrit Christine Dupont, professeur et doyenne des bioingénieurs de l’UCLouvain, mercredi soir sur Linkedin. Ce matin, vous vous targuez d’avoir “sauvé” des étudiants. Sauvés de quoi au juste ?” Des griffes des méchants profs ? D’eux-mêmes qui n’auraient pas l’autonomie pour analyser leur parcours et prendre des décisions à son sujet ? C’est très condescendant en fait.”
Elle poursuit: “Nous avons l’habitude d’outiller, de soutenir et d’encourager nos étudiants. Parfois aussi de les aider à faire des constats. Cela les fait évoluer. Ils ont déjà le droit à l’erreur (plusieurs fois même), il existe beaucoup de mécanismes académiques et de mesures d’accompagnement extra-académiques pour eux. Bien sûr, il faut entendre la détresse de certains, et agir. Bien sûr, il faut travailler pour construire des solutions qui permettent à l’ascenseur social de fonctionner mieux. Mais le texte bâclé que vous avez produit lors de cette journée hallucinante du 16/04/2024, il ne va que semer la confusion, et pousser encore plus au bord du précipice ceux envers qui on n’aura pas adopté une attitude stable et responsable.”
Sa conclusion est sans appel: ” A l’heure du durable, vous avez programmé l’obsolescence, au mépris des étudiants et de ceux qui les accompagnent. Je crois toujours en mon métier qui est formidable, mais si la politique se réduit au mauvais film d’hier, je ne crois pas qu’elle puisse nous aider à l’accomplir.”
“Un mauvais message”
Interrogé par Le Soir, Erik Van den Haute, professeur de droit à l’ULB et membre d’un groupe de vigilance des professeurs créé pour « maintenir les modalités actuelles de la réforme du décret Paysage, en ce compris les règles de finançabilité », se lamente, lui aussi: “Il va y avoir beaucoup de drames humains, d’étudiants à qui on va vendre du rêve.”
“On parle de sauvetage des étudiants, mais, en réalité, comme on touche aux fondements de la réforme, on va de nouveau permettre un rallongement des études puisqu’on s’attaque notamment à une des dispositions phares de la version Glatigny, qui était de valider les crédits de la première année en deux ans, souligne-t-il C’est ce qui se passe en relançant la réussite à 45 crédits et en remettant les compteurs à zéro en cas de réorientation après deux années. C’est en réalité un cadeau empoisonné pour les étudiants et c’est un mauvais message au moment où, dans les universités et hautes écoles, on commençait à ressentir les effets positifs de la réforme, notamment en termes de présence assidue aux cours et aux examens. Aujourd’hui, face à cette marche arrière, on est effarés.”
Dans les universités, deux expressions parmi beaucoup d’autres, alors que les recteurs, eux aussi, expriment le fait que les politiques ont été bien plus loin que les amendements demandés.
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