Mais que diable la KUL est-elle allée faire dans la galère Not In My Country?
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En réalisant et finançant un documentaire sur une mine de lithium controversée en Serbie, la KULeuven s’est fourvoyée dans un guêpier dont elle ne sait plus trop comment s’extraire.
Le 5 février, quelque 150 personnes ont assisté en avant-première, dans les locaux bruxellois du Parlement européen, à la projection de Not In My Country, un documentaire consacré au dilemme serbe en matière de lithium et signé SIM2, l’Institut pour les Métaux et Minéraux durables de la KULeuven. À l’extérieur, des manifestants stigmatisaient, sans même l’avoir visionné, ce qu’ils affirment constituer un “promodocu” en faveur de l’exploitation par le groupe australien Rio Tinto d’un fabuleux gisement de lithium situé sous la rivière Jadar. Manifestement surpris par la vigueur de cette opposition qui met en cause l’intégrité des réalisateurs, l’Institut a aussitôt mis en ligne un long plaidoyer duquel il ressort que Rio Tinto n’a “ni commandité ce film, ni payé pour celui-ci”. Tout a, en effet, été entièrement financé par la KULeuven. Mais que diable est-elle allée faire dans cette galère ?
Découvert un peu par hasard en 2004, le gisement de Jadar a immédiatement suscité l’intérêt du groupe australien Rio Tinto, et la polémique. À l’époque du tout électrique, le lithium constitue indubitablement un matériau d’avenir, mais il faut l’extraire, et au projet de “mine propre” avancé par le groupe, les agriculteurs locaux ont rapidement opposé l’expropriation et la pollution de leurs terres. Avec le temps, le ton est monté. Pétitions et manifestations se sont multipliées.
Face à ce qu’il estime être “un complot occidental”, le gouvernement réprime et emprisonne, mais il doit finalement s’incliner. En 2022, la Première ministre Ana Brnabić annonce l’annulation de tous les permis et actes administratifs relatifs au projet de mine. Rio Tinto n’en poursuit pas moins ses achats de terre et saisit la plus haute juridiction du pays qui, deux ans plus tard, déclare les suspensions de permis ordonnées en 2022 non conformes, tant à la Constitution qu’à la loi. Le manège se remet à tourner.
Le film n’est pas encore officiellement sorti que “dans les deux camps, des menaces de mort ont déjà été proférées”.
“Partenariat stratégique” et amalgames
La Serbie signe avec la Commission européenne un protocole d’accord lançant “un partenariat stratégique sur les matières premières durables, les chaînes de valeur des batteries et les véhicules électriques”. Le prix à payer pour devenir le 28e membre de l’Union européenne ? Peut-être.
Dans pareil contexte, confier la présentation du film à Peter Tom Jones, un scientifique au parcours impressionnant, mais également directeur du SIM2, n’était sans doute pas l’option la plus judicieuse. SIM2 collabore en effet dans le monde entier avec des entreprises actives dans le lithium, y compris Rio Tinto. D’où le risque d’amalgame que n’ont pas manqué de faire les contempteurs du projet, jetant sur ce documentaire une suspicion de partialité qui, même totalement infondée, restera difficile à récuser. Plus qu’il n’en faut pour rouvrir des plaies anciennes.
Le film n’est pas encore officiellement sorti, observe le quotidien De Morgen, qui consacre un long article à ce qui pour l’instant n’est qu’un fait divers, que “dans les deux camps, des menaces de mort ont déjà été proférées”. Voilà qui promet…
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