Paul Vacca
L’ubérisation des promesses
Ce n’est pas la métaphore de la bulle qui semble la plus appropriée pour qualifier Uber, mais celle du château de cartes. Si la bulle n’a pas explosé, les promesses, elles, sont tombées une à une.
Visiblement, les hommes politiques ne seraient pas les seuls à ne pas tenir leurs promesses. On peut aussi compter sur Uber. Il y a tout juste quatre ans, pour notre première intervention dans l’excellent magazine que vous être en train de lire, notre chronique était intitulée L’ubérisation n’a pas eu lieu et l’on rendait déjà compte de quelques illusions perdues en route. Force est de constater qu’aujourd’hui, l’entreprise persiste. Au point que ce n’est pas la métaphore de la bulle qui semble la plus appropriée pour qualifier l’entreprise de VTC, mais celle du château de cartes. Si la bulle n’a pas explosé, les promesses, elles, sont tombées une à une.
Ce n’est pas la métaphore de la bulle qui semble la plus appropriée pour qualifier Uber, mais celle du château de cartes. Si la bulle n’a pas explosé, les promesses, elles, sont tombées une à une.
Greg Bensinger, dans une tribune publiée dans le New York Times en tient d’ailleurs une comptabilité scrupuleuse. Il note qu’Uber – et il inclut aussi Lyft, l’autre géant du VTC, dans son réquisitoire – nous ont annoncé: des voitures autonomes pour cette année, la fin de la propriété individuelle des véhicules, la réduction des embouteillages dans les grandes villes, des trajets toujours plus abordables… De même qu’ils ont promis, main sur le coeur, que leur modèle serait rentable, pourvoyeur d’emplois bien rémunérés et respectueux de la planète.
Pour le moment, aucune de toutes ces promesses n’a été tenue. Il semblerait même que chaque jour qui passe nous en éloigne un peu plus. Pour les voitures autonomes, tout le monde pourra constater qu’elles ne se bousculent pas dans nos rues. Uber, pour qui elles constituaient pourtant un “enjeu existentiel”, a même décidé de céder son activité à la suite de problèmes de sécurité et d’explosion des coûts. Pour ce qui est de freiner l’acquisition de véhicules privés, les constructeurs automobiles n’ont pas à s’inquiéter: les chiffres de ventes de véhicules sont bel et bien repartis à la hausse après une décélération en 2020, mais dont la cause – faut-il le rappeler? – n’est certainement pas Uber.
Concernant la décongestion des grands centres urbains, l’arrivée des Uber et Lyft n’a pas produit l’effet escompté. Leurs algorithmes qui devaient favoriser le covoiturage (avec trois passagers ou plus) n’ont pas enrayé la demande pour des trajets privés. La durée des embouteillages a de fait augmenté de près de 5% dans les zones urbaines depuis l’arrivée des firmes de VTC. Quant au prix des courses, il n’a fait qu’augmenter, contrairement à ce qui été promis. Si au départ, le prix des trajets étaient inférieurs à ceux des taxis traditionnels, c’est qu’ils étaient artificiellement soutenus par le capital-risque. Or, la pénurie de main-d’oeuvre et les impératifs de rentabilité ont fait monter les prix en flèche.
Pour autant, la rentabilité attendue semble, elle aussi, renvoyée aux calendes grecques. Après avoir englouti des milliards, elle n’est toujours en vue. Et que dire de la surabondance d’emplois bien rémunérés promis par Uber? Du pur cynisme, vu la manière dont la firme s’échine, à coups de dollars investis dans le lobbying, à contourner, freiner ou bloquer tout effort législatif visant à offrir aux chauffeurs un statut plus stable et quelques avantages garantis.
Quant à la promesse d’un monde plus propre, elle a été mise à mal récemment par des chercheurs de l’université Carnegie Mellon. Selon leurs calculs, la nécessité pour les VTC de conduire sans passager entraîne une augmentation d’environ 20% de la consommation de carburant et des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux trajets effectués avec des véhicules personnels.
Contrairement à ce que nous titrions il y a quatre ans, l’ubérisation a peut-être bien eu lieu finalement: celle des belles promesses.
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