L’idée d’un emprunt européen commun pour la défense fait son chemin
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Depuis l’actualité perturbante de ces derniers jours, marquée par le rapprochement des États-Unis et de la Russie et par la volonté des États-Unis de retirer leurs troupes d’Europe, l’idée de mobiliser d’urgence, en Europe, des fonds pour soutenir la défense européenne fait son chemin.
Comme lors du Covid
Elle a notamment été évoquée par le président français Emmanuel Macron lors d’une session de discussion avec les internautes, ce jeudi 20 février.
Un emprunt européen pour renforcer le budget de la défense ? « C’est exactement ce qu’il faut faire, souligne le président français. Nous allons pousser pour cela. Alors, il y aura un débat. Il faut discuter. Mais je me souviens comme si c’était hier, malheureusement, de mars 2020. Je disais alors que nous étions en guerre contre le Covid. Aujourd’hui, nous sommes en guerre, nous devons préparer les guerres possibles à venir et dissuader. Si l’Europe est lucide, elle doit faire comme elle a fait au moment du Covid ».
Au début de 2020, le Covid s’était déclaré et en mai la même année, la France et l’Allemagne s’étaient mises d’accord pour lancer un emprunt européen commun.
Une idée de Kaja Kallas
« En tant qu’Européen et moi, j’ai été frappé ces derniers jours par le fait que des pays – les pays du Nord, les pays baltes – qui, il y a quatre ans, quand on parlait du Covid, nous disaient ne pas vouloir d’emprunt commun parce qu’ils étaient pour la rigueur budgétaire, sont aujourd’hui pour un emprunt commun, pour la défense et la sécurité, souligne Emmanuel Macron.
« C’était d’ailleurs une idée de Kaja Kallas, quand elle était encore Première ministre d’Estonie avant de devenir représentante permanente de l’Union européenne, poursuit-il. Je pense en effet qu’il faut en tout cas des financements innovants européens pour, ensemble, lever beaucoup plus d’argent, peut-être pour aider l’Ukraine davantage dans un premier temps, pour être dans des bonnes conditions, pour négocier une paix durable, mais aussi surtout, dans cette période, pour nous-mêmes et pour renforcer notre capacité à nous défendre ».
Plusieurs formes
Techniquement, un financement européen pour la défense pourrait prendre plusieurs formes. Le plus simple serait que l’Union européenne émette des euro-obligations, mais on sait qu’en Allemagne et aux Pays-Bas, pour des raisons budgétaires, on n’est pas très chauds à cette idée. Par ailleurs, des pays comme la Hongrie, qui soutiennent une politique pro-russe, pourraient bloquer le processus.
Une autre solution serait de s’en remettre alors à la Banque européenne d’investissement, qui pourrait lever des fonds sur les marchés internationaux afin de financer de vastes projets de défense. L’Union européenne pourrait aussi, plutôt que de lever des euro-obligations, admettre que les États membres financent leur dépense en solo, mais que ces dépenses fassent l’objet d’une dette commune, en dehors des critères de Maastricht. L’Union pourrait aussi utiliser l’argent non dépensé des fonds européens déjà existants, comme le fonds de relance pour la pandémie.
NextGenerationEU
Si l’on s’en tient à ce qui a été fait lors du Covid, l’Europe avait lancé son plan de 800 milliards, NextGenerationEU, dont le pilier était la constitution d’un instrument ad hoc, la Facilité pour la Reprise et la Résilience (FRR). C’était un instrument qui en théorie pouvait débloquer jusqu’à 724 milliards d’euros, la moitié en prêts, la moitié en subventions.
Mais on sait que cet argent n’a pas été débloqué dans sa totalité, car les États membres devaient remettre des plans pour expliquer à la Commission comment ils allaient utiliser ces fonds, et ils devaient aussi, pour bénéficier de cet argent, remettre de l’ordre dans leur budget.
Certains pays n’attendent pas ces hypothétiques fonds européens pour se réarmer massivement. On songe à la Pologne, dont le budget de la défense tend vers les 5% du PIB et qui a signé des contrats d’armements massifs, notamment avec la Corée du Sud. On songe aussi plus récemment au Danemark, qui vient de créer un fonds pour la défense de 6,8 milliards d’euros.
Le projet d’un fonds pour la défense se trouve aussi dans la déclaration du gouvernement de Bart De Wever, mais on en est encore en Belgique au stade des déclarations d’intention, alors que le budget belge de la défense ne représente que 1,3% du PIB, soit bien moins que les 2% qui sont la norme de l’OTAN.
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