L’évasion fiscale fait perdre des milliers de milliards d’euros d’impôts dans le monde
Au cours de la prochaine décennie, les gouvernements du monde perdront pas moins de 4 400 milliards d’euros d’impôts. Le gros de ce manque à gagner est dû aux multinationales qui font ce qu’on appelle pudiquement de l’optimalisation fiscale. Cette réduction d’impôt se fait principalement au détriment des pays les plus pauvres. Ceux-ci, pays africains en tête, demandent aujourd’hui de nouvelles conventions-cadres pour une meilleure coopération fiscale internationale.
On estime que, chaque année, les gouvernements à l’échelle mondiale subissent un manque à gagner d’environ 240 milliards de dollars américains soit plus de 226 milliards d’euros, en raison de l’évitement fiscal ou de l’évasion fiscale des entreprises. Et selon le rapport annuel sur l’état de la justice fiscale de Tax Justice Network, les pays vont perdre, à l’échelle mondiale, plus de 4 400 milliards d’euros d’impôts en 10 ans à cause de l’évasion fiscale. Pour donner un ordre d’idée c’est presque autant que les pays du monde entier dépensent collectivement pour la santé publique en une seule année, précise le site Follow The Money.
Cette perte est principalement causée par les multinationales qui s’arrangent avec les autorités fiscales de pays bénéficiant de régimes fiscaux favorables. Et les Pays-Bas joueraient un rôle majeur dans ce domaine toujours selon le site Follow The Money. Le site a ainsi révélé que 55 des 100 plus grandes entreprises du monde sont basées aux Pays-Bas pour des raisons fiscales. « Parmi ces sociétés figure l’entreprise pharmaceutique Pfizer, dont les revenus ont atteint le chiffre record de 21,6 milliards de dollars en 2021, principalement grâce aux ventes de son vaccin Covid. En utilisant les structures fiscales internationales autorisées par les Pays-Bas, Pfizer a réussi à ne payer pratiquement aucun impôt sur ses revenus record ».
Selon les estimations du Tax Justice Network, les Pays-Bas seraient responsables de 16 % du montant des évasions fiscales des entreprises dans le monde. Il serait donc sur la deuxième place du podium, juste après le Royaume-Uni. Avec le Luxembourg et la Suisse, ces quatre pays sont appelés l’« axe de l’évasion fiscale ». Un axe responsable de 57 % de toutes les pertes fiscales subies par les pays du monde.
Une pratique qui serait facilitée par le modèle de convention fiscale de l’OCDE
Les traités fiscaux sont basés sur des modèles de convention, dont deux sont prédominants : celui de l’OCDE et celui de l’ONU. Le modèle de convention de l’OCDE favoriserait les pays riches, tandis que le modèle de l’ONU offrirait davantage d’opportunités aux pays à faible revenu pour taxer les activités des entreprises étrangères. Or les pays à faible revenu se heurtent à la dominance du modèle de l’OCDE, et les négociations avec eux commencent souvent à partir de ce modèle. Une base de départ inégale qui déforce la coopération fiscale internationale et favorise l’évasion et la fraude fiscales, ainsi que les flux financiers illicites. Soit autant d’activités qui privent les pays de ressources.
Pourtant il y a urgence comme le précisait en mars Lachezara Stoeva, Présidente de Conseil économique et social (ECOSOC) des Nations Unies. Or 52 pays en développement, parmi lesquels figurent un grand nombre de pays à revenu intermédiaire, souffrent de graves problèmes d’endettement. D’où l’importance de « faire davantage avec les mêmes moyens. Le monde n’est pas confronté à une crise des ressources, mais à une crise du partage», selon Amina Mohammed, la Vice-Secrétaire générale d’ECOSOC. Et un des moyens d’y parvenir est des systèmes fiscaux internationaux équitables.
Trois options proposées par l’ONU
Pour résoudre ce problème, l’ONU a proposé en juillet 2023 trois options. Soit une convention multilatérale contraignante sur la fiscalité, une convention pour un cadre contraignant de coopération fiscale internationale, ou un cadre volontaire de coopération fiscale internationale.
L’ONU prévoit débattre d’une nouvelle résolution pour mettre en œuvre l’une de ces options plus tard cette année. Et si ces propositions sont saluées par les organisations de la société civile rien ne se fera sans l’accord de l’Union européenne. Elle représente en effet 22 des 38 États membres de l’OCDE qui a rappelons-le son propre modèle de traité fiscal. L’Europe semble néanmoins ouverte au changement. Dans une résolution du Parlement européen sur les leçons à tirer des Pandora Papers, en juillet 2023, elle appelle à l’adoption d’une convention-cadre contraignante de l’ONU sur la fiscalité. Un beau geste qui n’en est encore qu’au stade des discussions. Le sujet pourrait même être rapidement au centre d’intenses tractations politiques. Car un éventuel transfert des pouvoirs fiscaux de l’OCDE vers l’ONU ne réjouit pas tout le monde. Et encore moins les pays à hauts revenus qui facilitent l’évasion fiscale.
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