Les signaux de l’économie britannique au rouge à l’arrivée de Truss à Downing Street
Inflation à deux chiffres, menace de récession et craintes d’un dérapage de la dette avec l’envolée des taux d’intérêt: les signaux de l’économie sont au rouge alors que Liz Truss fait son entrée à Downing Street.
Très libérale, la nouvelle Première ministre a donné, lors de son premier discours depuis sa prise de fonction officielle mardi, la priorité aux baisses d’impôts pour “recompenser ceux qui travaillent dur” et relancer une économie promise à la récession d’ici la fin de l’année. Mais face à des hausses de prix de 10,1%, au plus haut depuis 40 ans, et qui devraient atteindre de nouveaux sommets dans les mois qui viennent, tirées par les tarifs de l’énergie, Mme Truss s’apprête aussi à aligner des milliards de livres d’aides aux ménages Britanniques.
“Je vais m’attaquer de front à la crise énergétique. Je vais prendre des mesures cette semaine pour faire face aux factures d’énergie“, qui doivent augmenter de 80% au 1er octobre pour un foyer moyen, a-t-elle promis mardi. Le cocktail envisagé de baisses d’impôts et de hausse des dépenses qui “met sérieusement en question la crédibilité budgétaire du Royaume-Uni”, commente Geoffrey Yu, analyste chez iFlow.
Une perception de risque accru sur la dette britannique qui fait augmenter la rémunération et donc les taux d’intérêt assortis à cette dette. Le taux d’emprunt à dix ans du Royaume-Uni est ainsi passé mardi au-dessus de 3% et évoluait au plus haut depuis juillet 2011. La barre des 3% n’avait plus été franchie depuis 2014.
Si la confiance des marchés continue à s’éroder, “elle pourrait se transformer en crise de la balance des paiements dans l’hypothèse où les (investisseurs) étrangers refuseraient de financer” la dette britannique, prévient Shreyas Gopal, analyste chez Deutsche Bank. L’économiste pointe le risque d’une crise de la dette similaire à celle des années 1970, quand le Royaume-Uni avait dû faire appel au Fonds monétaire international (FMI) pour renflouer ses caisses.
Geoffrey Yu juge cependant que les craintes d’un “effondrement budgétaire ne sont pas justifiées”, même si à court terme, le Royaume-Uni pourrait voir le coût de sa dette s’envoler, tiré aussi par l’inflation, sur laquelle les intérêts de certains bons sont indexés.
Les investisseurs trépignent
Kwasi Kwarteng, donné comme futur Chancelier de l’Echiquier, s’est employé à rassurer les marchés lundi dans une tribune dans le Financial Times, assurant que le gouvernement Truss mènera une politique “financièrement responsable” et s’efforcera de réduire la dette dès que possible.
La dette publique britannique, qui s’était déjà envolée avec les dépenses liées au Covid, représente plus de 95% du PIB. La livre sterling, elle aussi plombée par le tableau peu réjouissant de l’économie britannique, a récemment reculé face au dollar plus vite que les autres grandes monnaies, comme l’euro ou le yen. La monnaie britannique se stabilisait mardi autour de 1,1547 dollar vers 16h00 GMT.
“Liz Truss a une pile de problèmes à résoudre, mais elle a promis que l’atténuation de la crise énergétique serait une priorité“, ce qui dissiperait l’incertitude ambiante et profitait à la livre, selon Susannah Streeter, analyste chez Hargreaves Lansdown.
Mais les investisseurs trépignent en attendant les annonces de Mme Truss, qui pourraient se traduire selon la presse britannique par un gel des factures d’électricité pour les ménages, ce qui pourrait coûter jusqu’à 130 milliards de livres. Les économistes s’accordaient pour dire mardi qu’un soutien aussi massif face à l’envolée des prix de l’énergie aurait le mérite de faire baisser l’inflation. Si la mesure est mise en oeuvre, celle-ci “serait probablement sur la bonne voie pour revenir à son objectif de 2% dans un an”, selon les analystes de Pantheon Macroeconomics. Les économistes de Barclays estiment que l’inflation pourrait même déjà avoir atteint son pic.
“À court terme, (le gel des prix de l’énergie) semble être un moyen efficace pour apporter une plus grande certitude et soulager la pression sur la Banque d’Angleterre“, chargée de la stabilité des prix, selon Joshua Mahony, analyste chez IG. “Mais la conséquence à long terme se traduira sans aucun doute par une autre pile de dettes qui devra finalement être payée par des impôts plus élevés”, selon lui.
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