Les retours gratuits sous pression à cause de la destruction des colis retournés
Chaque année, des vêtements et des appareils électroniques, retournés ou invendus par des entreprises de commerce électronique, finissent dans les décharges. Des milliards d’euros de marchandises sont ainsi détruites. Le Parlement européen et les États membres de l’UE négocient avec la Commission européenne afin de décrocher une interdiction de ces destructions massives.
De nombreuses entreprises de commerce électronique ne disposent pas de centres de retours. Conséquence : des monceaux de textiles et d’appareils électroniques, ayant fait l’objet d’un retour ou invendus, sont jetés dans des décharges.
Le géant du commerce électronique Amazon a déjà été sous le feu des critiques en 2021, au Royaume-Uni, quand on a constaté que ses produits retournés disparaissaient dans des boîtes portant la mention “à détruire”. “Sur l’important volume de biens retournés, seule une petite partie est finalement revendue sur les marchés secondaires. La majeure partie est détruite. Selon les estimations, 32 millions de T-shirts invendus ainsi sont détruits chaque année en Europe. Je trouve cela absurde”, a déclaré Sara Matthieu, députée européenne des Verts. “Les chiffres pour la Belgique ne sont pas disponibles, mais nous savons, grâce à des études menées dans les pays voisins, qu’il s’agit de tonnes de vêtements et de produits”, explique-t-elle.
L’étude du chercheur suédois, Carl Dalhammer, montre également à quel point la destruction de produits est courante dans les secteurs du textile et de l’électronique. “Pour les entreprises de commerce électronique, il est plus rentable de détruire les produits bon marché que de les revendre”, souligne-t-il. En effet, les vêtements réutilisables doivent être séparés des vêtements à jeter. Ce tri est un processus manuel, qui demande de la main-d’œuvre, et qui est souvent réalisé dans des pays où les salaires sont très bas. “Cela n’a aucun sens de vérifier et de trier des vêtements retournés qui ont été vendus pour seulement 5 euros. Le coût horaire de la main-d’œuvre en Europe est plus élevé que ce que vous obtenez de la revente du produit.”
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En Belgique
“Nous ne jetons pratiquement rien. Seuls les cas exceptionnels, comme un miroir cassé ou un sac de nourriture pour chien éventré, sont détruits”, a déclaré Joost Morel, porte-parole de bol.com, un des leaders du marché du commerce électronique en Belgique. Si la boutique en ligne néerlandaise ne peut communiquer de chiffres exacts sur le nombre des retours qu’elle réceptionne, Joost Morel se veut rassurant : “Cela ne concerne que quelques pour cent”.
Bol.com dispose d’un centre de retours qui emploie plus de 100 personnes, chargées d’évaluer et de traiter ceux-ci. “La grande majorité des articles sont comme neufs et peuvent simplement être renvoyés dans notre magasin. C’est le cas de 70 % de nos retours”, précise M. Morel. Le reste aboutit chez un fournisseur, un acheteur, une association caritative ou est vendu sous forme « deal retour ». “De fait, les produits bol.com retournés, mais dont l’emballage n’avait été que légèrement endommagé, ont connu une grande popularité ces derniers temps. »
Plus de retours gratuits chez H&M
L’e-commerce a connu une forte croissance pendant la pandémie de coronavirus. Cette tendance est allée de pair avec une importante augmentation du nombre de vêtements retournés à l’expéditeur parce qu’ils ne convenaient pas ou parce qu’ils ne satisfaisaient pas aux attentes. Ces réexpéditions peuvent avoir un coût élevé pour les chaînes de mode.
Le géant de la mode H&M réclamera désormais aux clients les frais de renvois de leurs achats en ligne, informe mardi la BBC. Sur son site web belge, H&M indique qu’il en coûte 1,95 euro par commande sauf pour les membres Plus. Les retours en magasin restent, eux, gratuits.
Les concurrents de H&M comptabilisent déjà depuis un moment les frais liés aux renvois des achats en ligne. Selon la BBC, des analystes du marché prévoient que d’autres détaillants suivent l’exemple de H&M.
Il faut souligner que les retours gratuits sont considérés comme une norme actuellement, un acquis, mais que les habitudes d’achat des consommateurs changeraient si on venait à changer cette norme. Ainsi, en 2020, selon une étude sur les comportements d’achat des Belges, commanditée par Nathalie Muylle (alors ministre fédérale de l’Emploi, de l’Économie et des Consommateurs), il ressort que 66% ont recours à l’e-commerce et qu’en moyenne, un retour coûte environ 5 euros à l’expéditeur. Si ce coût devait être facturé au destinataire, 46% des répondants indiquent qu’ils renonceraient à leur achat. Ce taux baisse à 14% si les frais s’élevaient à 1 euro et grimpe par contre à 74% pour 10 euros.
En l’absence de chiffres belges sur la quantité des textiles et de l’électronique détruits, invendus et retournés, il est difficile d’estimer leur impact dans notre pays. C’est pourquoi la Commission européenne demande à différents organismes de cartographier ce problème et de prendre des mesures en conséquence.
Vers une interdiction
Mais l’eurodéputée Sara Matthieu ne veut pas attendre plus longtemps. “Les Verts ont mis sur la table du Parlement une proposition visant à interdire la destruction des vêtements invendus”, explique-t-elle. Dans les semaines à venir, le Parlement se réunira avec la Commission européenne et les Etats membres pour négocier cette interdiction. Carl Dalhammar pense également qu’une interdiction pourrait avoir un effet positif. “Les entreprises seront obligées de mieux évaluer leurs ventes et se lanceront moins dans la surproduction”, explique-t-il.
Un vaste ensemble de mesures est donc en cours d’élaboration à Bruxelles afin d’accélérer la transition circulaire et durable, le “Green Deal”. Par exemple, un projet de loi vise à imposer certaines exigences en matière d’écoconception à différents groupes de produits. L’interdiction de la destruction des textiles retournés et invendus fait partie des négociations sur ce projet de loi.
Bol.com dit saluer cette proposition et suivre les négociations : « et si une telle interdiction fait partie des règles finales, nous nous adapterons bien sûr. »
Vue à 360 degrés
Cependant, les acteurs du commerce électronique, eux-mêmes, préfèrent avoir recours à d’autres méthodes afin d’éviter ces destructions. Ils veulent surtout éviter les retours de produits, et une solution pour diminuer ces retours serait de facturer des frais de retour. Fournir plus d’informations aux consommateurs, et plus détailler celles-ci, telles des vues à 360 degrés des produits et des photos réalistes avec mises en situation, peuvent aussi permettre de diminuer les retours.
Torfs.be et bol.com témoignent que l’ajout d’informations pertinentes, telles des tableaux reprenant les tailles, l’ajout de commentaires des clients, des spécifications détaillées du produit et des photos, permettent aux clients de se faire une idée précise de ce qu’il achète et ainsi réduire les risques de retour.
Plus précisément, sur le site web Torfs.be, « l’impact de l’ajout d’un tableau des tailles sur la page produit de deux marques de chaussures a permis de réduire de 5 % le nombre de colis retournés, soit une réduction de 68 kg de CO2 pour cette seule gamme de chaussures. Cela correspond à une économie moyenne de 7,5 euros par retour, soit plus de 10 % de la valeur moyenne de la transaction. »
“Mais ce n’est pas toujours le cas, les retours font toujours partie du commerce électronique”, conclut Joost Morel.
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