Ce lundi 7 juillet, des médecins se croisent les bras pour protester contre une réforme. Ce n’était plus arrivé depuis des décennies. Leur fronde porte sur le renforcement du conventionnement et les limitations de suppléments d’honoraires. Mais derrière cela, il y a l’inquiétude relative à des réformes plus profondes dans un contexte budgétaire difficile.
Ce n’était plus arrivé depuis des décennies, les précédentes grèves de médecins remontent aux années 1960 et 1970. Cela dit, le courroux généré par les réformes monte depuis des années, singulièrement contre la vision réformiste du tout-puissant ministre des Affaires sociales, Frank Vandenbroucke (Vooruit).
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est un avant-projet de loi du ministre relatif au conventionnement des médecins et aux suppléments d’honoraires. Ce sont deux sujets ultra-sensibles et revoir les règles du jeu… ulcère les praticiens.
Limiter les suppléments
Le texte déposé par le ministre socialiste prévoit de plafonner les suppléments d’honoraires à 125 % dans les hôpitaux et 25 % en ambulatoire. Ces suppléments, c’est la base même sur laquelle des médecins dégagent des marges de leur pratique, quitte à accélérer l’évolution vers une médecine à deux vitesses.
C’est, aussi, ce qui permet de réinvestir dans une médecine de qualité et de soutenir financièrement les hôpitaux, soutiennent-ils. Mais la lutte contre ces pratiques est une lame de fond dans la politique prônée par Vandenbroucke. Pour plus d’équité.
L’autre point, qui y est lié, concerne le conventionnement. Au fin du temps, la concertation au sein de l’Inami entre médecins et mutuelles a vu son impact se réduire. C’est là que se fixent les honoraires à respecter, par type de profession, qui doivent être respectés par les médecins conventionnés. Mais le nombre de médecins refusant le conventionnement n’a cessé d’augmenter.
L’avant-projet Vandenbroucke prévoit un nouveau mécanisme et induit un certain nombre de primes réservées aux médecins conventionnés. Bref, il s’agit de renforcer l’attractivité de la convention médico-mut. Cela n’est pas du goût de tout le monde.
Conscient du tumulte, Frank Vandenbroucke se dit ouvert au dialogue et a proposé la semaine dernière de postposer certains points cruciaux de cet avant-projet.
Une refonte globale
Ce texte s’enracine toutefois dans deux réformes plus fondamentales encore qui font trembler le corps médical et les hôpitaux.
La première vise à modifier la logique et induire un système basé non plus sur le volume d’actes, mais sur des forfaits par pathologie. La nombre de questions restées sans réponses est important, déplorent les médecins.
Liée à cela, une refonte de la nomenclature médicale est sur le métier, c’est-à-dire la grammaire médicale faisant le lien entre prestation et remboursement par l’assurance soins de santé. Des rééquilibrages sont prévus entre les activités.
Ces réformes-là, contrairement au texte incriminé ce lundi, sont annoncées de longue date et leur atterrissage est prévu d’ici 2028.
L’ensemble définit une vision qui vise, pour caricaturer, à mettre à mal le modèle du chirurgien roulant en Porsche Cayenne. “Il n’y a aucune volonté de remettre en cause l’indépendance des médecins”, se défendait il y a peu le ministre au Soir.
Un peu, tout de même.
“Marre du mépris”
Un post de la psychiatre Carole Depuydt sur LinkedIn résume bien l’état d’esprit. “Aujourd’hui je suis médecin en grève, écrit-elle. Parce que je ne veux pas d’une dérive autoritaire dans les décisions des soins de santé. Parce que je veux continuer à prodiguer des soins de qualité. Parce que j’aime mon métier et que les patients méritent mieux qu’une médecine au rabais ou à deux vitesses. Parce que j’en ai marre du mépris.”
“J’irai néanmoins à l’hôpital pour maintenir les soins urgents et nécessaires, précise-t-elle toutefois. Nous ne laissons pas tomber les patients!”
Mais le signal envoyé est clair.