Les nouvelles cibles du fisc: pour les entreprises, les nouveaux risques sont…
Les particuliers ne sont bien entendu pas les seuls à faire partie des cibles du fisc cet automne. Les sociétés et leurs dirigeants sont également concernés. Ils courent un plus grand risque d’être contrôlés cette année si…
1. Les conditions lors de la constitution de la réserve de liquidation n’ont pas été respectées
Deux conditions sont indispensables, aux yeux des contrôleurs du fisc, pour pouvoir bénéficier du précompte mobilier réduit à l’impôt des sociétés en cas de constitution d’une réserve de liquidation. La première est que la société doit être une PME et pas une filiale d’un groupe. Or, ” beaucoup de dirigeants de sociétés pensent être à la tête de plusieurs PME séparées, alors qu’elles sont en fait liées et forment une sorte de consortium “, observe Pierre-François Coppens, conseil fiscal et secrétaire général de l’Ordre des experts-comptables et comptables brevetés de Belgique. Pensons, par exemple, à l’indépendant qui possède sa société de management et une société d’exploitation. Sans le savoir, il fait partie d’un groupe de sociétés (direction commune, etc.). Quant à l’autre grande condition à respecter, elle a trait au versement de la taxe de 10% sur les sommes affectées à la réserve de liquidation. Il faut bien entendu la payer. N’oubliez pas de le faire au moment de l’enrôlement de la société.
2. Tous les revenus, notamment ceux provenant de l’étranger, n’ont pas été déclarés
De même que l’échange international d’informations est devenu une réalité pour les personnes physiques, il concerne aussi les comptes des sociétés. L’administration fiscale dispose de renseignements qui lui permettent de vérifier si les avoirs et les revenus d’une société sont bien intégrés dans sa comptabilité. Sont surtout visés ici les intérêts et les dividendes en provenance de l’étranger. Le cas classique est celui d’une société belge qui reçoit des dividendes d’une filiale étrangère et qui ne les déclare pas ou qui revendique indûment une exemption fiscale de ses revenus (absence de précompte mobilier, RDT – revenus définitivement taxés), sachant aussi que celle-ci est ” liée à des conditions de détention, de participation et de taxation “, souligne Pierre-François Coppens.
Tout ce qui étonne les ordinateurs du SPF Finances peut être de nature à déclencher un contrôle.
3. Le chiffre d’affaires est bizarre
L’importance grandissante du data mining pour traquer les contribuables indélicats fait que tout ce qui étonne les ordinateurs du SPF Finances peut être de nature à déclencher un contrôle. Ce sera notamment le cas d’un chiffre d’affaires a priori anormal par rapport au chiffre d’affaires d’entreprises qui se trouvent dans une situation similaire, ou celui qui évolue de façon a priori bizarre selon divers paramètres connus de l’administration. Mais, ” on peut du reste très bien avoir une année fabuleuse et puis une moins bonne année “, avance Thierry Afschrift, avocat et professeur de droit fiscal à l’ULB. Voilà pourquoi, pour éviter des visites inopportunes du fisc si le chiffre d’affaires diminue fort ou si des frais sont plus élevés, Pierre-François Coppens conseille de les justifier dans le rapport de gestion qui est joint à la déclaration fiscale. Selon lui, une petite explication permet de rapidement éteindre l’incendie.
4. Les charges évoluent en dents de scie
Comme cela peut être le cas pour un chiffre d’affaires exceptionnel, ” il est parfois justifié d’avoir des charges plus élevées une année, parce que l’on a dû faire face à une tuile, par exemple, fait remarquer Thierry Afschrift. Rien n’oblige une société à avoir d’année en année des charges constantes “.
Face au contrôleur qui cherche à remettre en cause la déduction des charges assumées par une société qui sont relatives à un avantage obtenu par le dirigeant (de société de management), il appartient à ce dernier de produire un dossier de pièces qui démontrera la réalité des prestations. Tels des P.V. du conseil d’administration et rapports de gestion, des correspondances et courriels, des rapports de travail, des notes internes, des preuves de signatures de contrats ou de déplacements professionnels. ” Ce travail peut sembler fastidieux voire absurde, indique Pierre-François Coppens, mais, qu’on le veuille ou non, il est dans l’air du temps et répond à la vision actuelle assez formaliste d’une administration, suivie par de plus en plus de juges, qui n’accepte plus l’utilisation par certains contribuables de leur société comme instrument de déduction de charges, essentiellement immobilières “, prévient le fiscaliste. Quant aux indépendants qui se rémunèrent en partie en droits d’auteur (photographe, etc.), l’administration accepte plus difficilement que l’on puisse déduire à la fois le forfait de 50% et les frais réels en déduction des profits.
5. Des dividendes ont été distribués de manière déguisée
Sont ici visées les opérations dont l’objectif est de transformer une distribution de dividendes en réduction de capital. Le fisc s’intéresse aux sociétés constituées en holding et qui procèdent successivement à un apport en capital et à une réduction de capital non taxée, ce que les spécialistes appellent une ” opération accordéon “. Attention, car le risque de requalification par l’administration fiscale de ces distributions de dividendes déguisées est plus élevé que par le passé. Raison pour laquelle ” cela se pratique de moins en moins, constate Emmanuel Degrève, conseil fiscal et fondateur du cabinet Deg & Partners. La plupart des contribuables savent en outre que les règles ont changé dans le cadre de la dernière réforme de l’Isoc. Cette option perd de son intérêt dans un contexte dangereux “. Dangereux parce que ” la notion d’abus fiscal est tellement floue et vague que l’administration fiscale l’invoque de façon excessive et sans discernement, y compris dans le cadre d’opérations qu’elle considère comme étant des distributions de dividendes déguisées “, conclut Thierry Afschrift.
Fini de se cacher derrière sa société. Une nouvelle réglementation européenne visant à lutter contre le blanchiment oblige toutes les entreprises situées en Belgique à dévoiler au fisc l’identité (nom, prénom, date de naissance, nationalité, pourcentage de détention dans la société) de leurs ” bénéficiaires finaux “, c’est-à-dire les personnes qui détiennent au moins 25% des actions. Et cela, en s’enregistrant sur le fameux nouveau registre UBO (pour ultimate beneficial owners, en anglais). Or, d’après les chiffres du SPF Finances, à peine 142.293 entreprises et associations (sur près de 680.000, selon les estimations du ministère des Finances, soit environ 20%) ont rempli leur devoir. Plus de 500.000 d’entre elles ne sont donc toujours pas en ordre. Le délai d’enregistrement a été fixé au 30 septembre. Les sociétés qui ne seront pas en règle risquent une amende oscillant entre 250 et 50.000 euros.
Certains fiscalistes, comme Thierry Afschrift, voient arriver ici et là au sein de leur clientèle des contrôles relatifs à la fameuse taxe Caïman. Taxe qui vise les fondateurs et les bénéficiaires économiques de structures juridiques étrangères (fondations, trusts, etc.). ” C’est tout à fait inattendu, confie l’éminent fiscaliste. L’administration tente de remettre en cause des constructions qui ne sont a priori pas concernées par la taxe, comme par exemple les Soparfi (sociétés de participations financières) luxembourgeoises. Lesquelles risquent, dans certains cas, d’être taxées en Belgique. ”
La taxe Caïman attribue en effet fictivement les revenus d’une structure juridique à ses bénéficiaires économiques, ces derniers étant obligés de mentionner son existence dans la déclaration. Obligation dont le non-respect est sanctionné par de lourdes amendes : 6.250 euros par bénéficiaire, par an et par structure. L’an dernier, 1.705 Belges ont déclaré détenir une structure juridique à l’étranger, soit 50% par rapport à 2017.
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