Les industriels européens tirent la sonnette d’alarme

Le site de BASF à Anvers foto: Peter Hilz / HH
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Les coûts trop importants et les soutiens massifs aux Etats-Unis génèrent un “krach silencieux”. Il est encore temps d’y répondre, mais il y a urgence. Réunis à Anvers, des CEO vont interpeller l’Europe. En Belgique, la situation est pire encore.

Plusieurs dizaines de CEO se réunissent ce mardi à Anvers pour tirer la sonnette d’alarme: leur position concurrentielle ne cesse de se dégrader. Une initiative européenne de soutien à l’industrie doit être prise, faute de quoi les délocalisations se poursuivront. En cause: un manque de soutien alors que les coûts explosent (énergie, salaire…).

L’économiste Geert Noels, CEO d’Econopolis, évoquait déjà, à la fin de l’année dernière dans Trends Tendances, un “krach silencieux” dans l’industrie, dont les conséquences pourraient être dévastatrices, alors que nos autorités n’ont qu’un mot à la bouche: réindustrialisation. Ce “krach silencieux” s’exprime désormais au grand jour.

“Ils n’ont rien compris”

Un industriel belge, dont l’activité se déroule dans le monde entier, nous lançait très récemment cet avertissement: “Nos autorités ne prennent pas la mesure de la dégradation de notre réalité. Au vu des coûts qui explosent et du manque de soutien, nous n’avons d’autre choix que d’installer nos nouvelles activités ou nos projets d’avenir en-dehors de l’Europe, quand c’est possible. Le seul qui perçoit l’enjeu, c’est le Français Emmanuel Macron, en dépit de toutes les critiques qu’on lui adresse.”

En Belgique, la Febeliec, qui réunit les entreprises consommant beaucoup d’énergie, met régulièrement en garde contre le désavantage que représente des coûts de l’énergie plus importants qu’ailleurs. L’indexation des salaires, qui distingue la Belgique des autres pays européens, a alourdi encore les charges. “Ce n’est pas que notre Premier ministre, Alexander De Croo, ne soit pas conscient du problème, ajoutait notre industriel. Mais en Belgique, les caisses sont vides, la situation budgétaire empêche tout soutien effectif.

Le problème est européen, tant l’appui massif accordé aux Etats-Unis dans le cadre de l’Inflation Reduction Act a accru la concurrence en notre défaveur. Le Green Deal européen alourdit, qui plus est, les réglementations en matière environnementale. En Belgique, la situation devient intenable: bien des industriels envisagent de partir, notamment pour Dunkerque. Dernier exemple en date, nos collègues de Trends mettent en lumière la fragilité d’Arcelor Mittal, à Gand, et le désir de délocaliser.

Une “déclaration d’Anvers”

Les CEO réunis à Anvers interpelleront donc les autorités européennes et singulièrement la présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen, afin de mettre en place une sorte de “European Industrial Act”. Un appui massif est requis. Mais il s’agira aussi de surmonter cette concurrence qui grandit au sein même de l’Union européenne avec des aides d’Etat très disparates.

Un coût de l’énergie réduit ou compensé, des réglementations plus souples: ce seront les autres requêtes formulées au sein de cette “déclaration d’Anvers”. Qui résonne comme un appel à l’aide alors que la transition environnementale est un must et que nos économies surnagent dans un monde en fusion.

Attention à la compétitivité

Pieter Timmermans, CEO de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), abonde dans ce sens dans une opinion: “La Commission européenne actuelle a fait du Green Deal son cheval de bataille. Les entreprises belges soutiennent la transition verte et choisissent résolument de faire partie de la solution. Le Green Deal n’a cependant pas accordé suffisamment d’attention à la compétitivité. Il s’est par ailleurs caractérisé par une avalanche de réglementations associées à diverses obligations et à de lourdes charges administratives pour les entreprises. Dès lors, la priorité de la prochaine législature doit aller à la stabilisation du cadre réglementaire européen, ainsi qu’à la réduction de la charge réglementaire. Nier cette pression exercée par la réglementation revient finalement à pousser encore davantage d’entreprises et d’investisseurs à quitter le continent, et par conséquent à nuire à l’Europe en tant que terre d’entrepreneuriat.”

Et d’ajouter: “Compte tenu de la perte de compétitivité et de la situation géopolitique, il est plus que jamais indispensable que l’Europe s’engage pleinement dans le renforcement de la compétitivité internationale des entreprises belges et européennes au cours de la prochaine législature. C’est pourquoi nous avons intitulé notre manifeste : « Une Europe plus forte dans le monde ». Les 12 leviers constituent la base d’un nouvel « Industrial Deal », autrement dit un véritable pacte de compétitivité destiné à compléter le « Green Deal ». L’un ne va pas sans l’autre.”

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