Lire la chronique de Thierry Afschrift
Les Flamands vont-ils acheter leur autonomie ? (chronique)
L’évolution erratique des négociations pour la coalition fédérale débouche sur ce que, hélas, la logique présentait comme inéluctable. Rien n’est évidemment fait à l’heure où ces lignes sont écrites, mais le “marché” dont on parle aujourd’hui démontre une tendance qui, tôt ou tard, sous cette législature ou une suivante, pourrait bien se concrétiser, au détriment des entreprises et de la classe moyenne.
Les partis les plus forts dans chaque communauté, le N-VA et le PS, ont des objectifs prioritaires différents mais qui ne peuvent se concilier que d’une seule façon. En gros, la N-VA, certes un parti de droite, est avant tout nationaliste. Le PS, wallon ou bruxellois, est, comme son nom l’indique, socialiste. Les uns veulent plus d’autonomie (pour la Flandre), les autres souhaitent davantage de dépenses sociales. Cela se résout si, comme ce fut le cas pendant des décennies, les Flamands acceptent de payer pour obtenir une autonomie plus large.
Certes, la N-VA, souvent présentée comme porte-parole du patronat flamand, a toujours défendu une doctrine socioéconomique relativement libérale. Il faut dire que c’était surtout le cas lorsqu’elle était dans l’opposition et critiquait, à juste titre, le gouvernement Di Rupo, présenté pour ce qu’il était, un “belasting regering”(ndlr : gouvernement fiscal) qui n’a eu de cesse d’augmenter les impôts fédéraux.
Mais le prétendu ” libéralisme ” du parti nationaliste flamand est devenu bien tempéré lorsqu’il s’est retrouvé au pouvoir sous le gouvernement Michel, plus modéré certes dans l’évolution de la fiscalité, mais qui n’a en tout cas pas du tout réduit les impôts augmentés par son prédécesseur. Aujourd’hui, la N-VA paraît accepter d’oublier sa doctrine économique au profit de ce qui a justifié sa création et son développement : le nationalisme flamand. D’autant plus qu’après avoir dangereusement accepté de mettre au frigo ses revendications sur ce point au cours de la précédente législature, elle a perdu énormément de voix au profit d’un parti encore plus nationaliste qu’elle, le Vlaams Belang qui, comme tous les partis d’extrême droite dans l’histoire, mêle allègrement doctrine nationaliste et certaines revendications sociales qui n’ont rien de libéral. Comme tout, dans un régime démocratique, se résume souvent à “acheter des voix”, la N-VA est prête à sacrifier l’économie, même flamande, au profit d’une évolution vers un plus haut degré d’autonomie pour la Flandre.
Aujourd’hui, la N-VA paraît accepter d’oublier sa doctrine économique au profit de ce qui a justifié sa création et son développement : le nationalisme flamand.
Le très intelligent président du PS a très bien compris cela. Ses revendications, poussées par les marxistes du PTB, perçu comme le seul concurrent, sont une fois de plus d’obtenir de l’argent pour la Wallonie et sa clientèle électorale. Il a bien vu qu’il pouvait accorder à la Région flamande des compétences propres plus importantes, à condition de faire payer cela par des mesures sociales en termes d’augmentation des allocations et d’autres dépenses publiques.
Ce genre de pacte, qui a certes besoin d’alliés pour se réaliser, ne fera qu’accroître les problèmes de la Belgique fédérale, et même ceux des Régions. Les principales difficultés du pays résultent de dépenses publiques, notamment sociales, excessives, d’une dette publique colossale et d’une fiscalité parmi les plus lourdes d’Europe. Un pacte entre socialistes wallons et nationalistes flamands ne peut qu’aggraver encore les trois types de difficultés. On parle d’ailleurs déjà de mesures fiscales lourdes et symboliques (taxation des plus-values, globalisation des revenus mobiliers, augmentation éventuelle des cotisations de sécurité sociale).
Une fois de plus, dans un pays déjà paupérisé par les mesures de confinement, ce sont les gens qui travaillent, la classe moyenne et ceux qui entreprennent qui payeront la facture. On peut douter que le patronat flamand, dynamique et libéral, approuve un tel pacte, même s’il lui accorde la satisfaction, toute relative, de pouvoir traiter dorénavant avec une bureaucratie régionale flamande plutôt qu’avec celle de l’Etat fédéral.
Quant aux partis qui disent encore parfois se référer aux idées libérales, ils ne peuvent logiquement se retrouver dans aucun des deux volets du pacte envisagé. Leur doctrine est incompatible avec une nouvelle augmentation des recettes et des dépenses publiques dans un pays qui est déjà l’un des plus taxés au monde. Et le libéralisme est sans doute l’idée la plus opposée aux conceptions nationalistes car il fait confiance à l’individu sans le ramener à la seule appartenance à un groupe.
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