« Les femmes peuvent rester à la maison pour s’occuper de leurs enfants, mais pas aux frais de la société » : des réactions outrées à la déclaration de Vincent Van Quickenborne
“Pour moi, les femmes peuvent rester à la maison pour s’occuper de leurs enfants”, a déclaré le Vice-Premier ministre et ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD) dans une interview au journal De Morgen. Et d’ajouter dans la foulée : “Mais pas aux frais de la société.” Sa déclaration n’a pas manqué de créer la polémique au nord du pays.
Anouck Meier est mère de deux enfants et “serial entrepreneuse”. Elle réalise des recherches sur les femmes et leur emploi du temps et sortira un livre à ce sujet début 2024. Le travail non rémunéré est aussi un travail, soutient-elle dans le journal flamand De Morgen en réaction à la déclaration du ministre Open VLD dans ce même média. « Les femmes méritent d’être appréciées et respectées pour cela », soutient celle qui se définit comme “coach féministe”.
« Ce n’est pas parce que notre société ne valorise pas le travail de soins que ce n’est pas du travail. Selon l’Organisation internationale du travail, le travail de soins non rémunéré représente entre 10 et 39 % du PIB. Et un rapport d’Oxfam montre que si les femmes dans le monde étaient payées pour ce travail, elles récolteraient 10,9 billions de dollars par an. C’est plus que le chiffre d’affaires combiné des 50 plus grandes entreprises du monde. », argumente Anouck Meier.
« Une responsabilité collective »
Pour elle, c’est précisément parce que les femmes assument encore la part du travail de soins – qu’elles le combinent avec un travail rémunéré ou non – que la société peut fonctionner. « Soutenir les familles (femmes et hommes) pour élever de jeunes enfants est une responsabilité collective qui est clairement rentable à long terme – bien au-delà de l’horizon électoral », laisse-t-elle entendre.
Elle ajoute que ces déclarations sont d’autant plus « choquantes » maintenant que le gouvernement n’est même plus en mesure de fournir des services de garde d’enfants de qualité et abordables, l’une des conditions les plus importantes de “l’activation” des femmes au foyer, qui est la grande ambition de l’Open VLD.
« Les femmes sont épuisées, épuisées, épuisées. Elles n’ont pas besoin de politiciens (masculins) leur disant ce qu’elles peuvent ou ne peuvent pas faire. Mais du respect, de l’appréciation et un système qui les soutient au lieu de les pousser encore plus loin », conclut-elle.
« Ils sont la société »
Les femmes et les enfants ne « vivent pas aux dépens de la société », ils « sont » la société, écrit de son côté dans une opinion parue Dans De Standaard, Selfa Madhloum, ancienne porte-parole de l’Open VLD qui se présente comme une « femme d’affaires engagée ».
Il s’agit d’une généralisation erronée et stigmatisante que de dépeindre les femmes au foyer comme des profiteuses
Selfa Madhloum
Pour elle, il s’agit « d’une généralisation erronée et stigmatisante que de dépeindre les femmes au foyer comme des profiteuses ». Elle ajoute : « Selon la professeure Sarah Vansteenkiste du Centre d’aide au travail de la KULeuven : plus de 92 % des mères qui restent à la maison ne reçoivent aucune allocation. Elles ne coûtent pas un centime à la société. En fait, elles génèrent de l’argent pour la société. »
Un manque de respect
Selfa Madhloum fustige le manque de respect pour le travail que les femmes ou hommes au foyer réalisent au quotidien alors qu’ils prennent soin des autres (leurs enfants, leurs parents, les malades ou les personnes nécessitant des soins dans leur environnement). En assumant ces tâches de soins, ils soulagent les crèches, les maisons de repos et les hôpitaux. « Ils forment de futurs citoyens, entrepreneurs et employés. Ils maintiennent les familles ensemble. Ils aident à maintenir la société debout. Ils injectent de l’oxygène dans l’économie en faisant de la place aux autres.»
Elle estime que les femmes au foyer travaillent aussi. « Dur même. Ma mère trouvait qu’être femme au foyer était un travail plus difficile qu’être entrepreneur. Peut-être que le ministre devrait échanger son emploi avec une femme au foyer pendant une semaine ? »
Peut-être que le ministre devrait échanger son emploi avec une femme au foyer pendant une semaine?
« La pire façon de motiver les gens »
Pour elle aussi, le problème réside en partie dans la pénurie de places d’accueil. « L’attaque contre les femmes au foyer est ironique. Les politiciens devraient simplement leur être reconnaissants, car ils remplissent certaines des tâches essentielles que le gouvernement flamand néglige allègrement », estime Selfa Madhloum. « Un tiers des parents à la recherche d’une garde d’enfants en 2022 n’ont pas trouvé de place. Plus de 15 000 familles ont été laissées pour compte. Certes, c’est plus difficile que de donner des interviews retentissantes, mais peut-être que les politiciens devraient d’abord éliminer la pénurie de places d’accueil. Pour que le « choix » entre rester à la maison et travailler devienne vraiment un choix. »
« Faire en sorte que plus de personnes aient un travail (rémunéré) est le seul moyen de garantir notre futur État-providence. Mais stigmatiser tout un groupe est à peu près la pire façon de motiver les gens », conclut Selfa Madhloum dans De Standaard.
“Pourquoi ne vont-elles pas travailler?”
Vincent Van Quickenborne souhaite que le gouvernement fédéral réduise les allocations de chômage pour le cohabitant avec charge de famille (anciennement appelé « chef de ménage »). Actuellement, celles-ci s’élèvent principalement à 60% du dernier salaire mais les libéraux flamands voudraient les faire baisser à 55%. « Nous devons activer ces personnes. Il y a là un énorme réservoir, de quelque 50.000 personnes », estime le vice premier ministre. « Si vous voulez être femme au foyer, d’accord, mais à vos frais », avait-il déjà déclaré au Nieuwsblad début juillet, pointant notamment les femmes au foyer issues de l’immigration.
“C’est un groupe dont personne ne parle jamais », affirme dans cet interview le Vice-Premier ministre. « Et appelons un chat un chat: celles-ci sont souvent issues de l’immigration. Pourquoi ne vont-elles pas travailler? En partie par manque de formation, en partie en raison de discrimination, en partie pour des raisons culturelles”, juge le ministre de la Justice.
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