Les 10% des plus riches paient-ils réellement 50% des impôts (IPP) en Belgique ?
C’est une affirmation du président du MR, Georges-Louis Bouchez, ce matin sur La Première et ce weekend dans Le Soir. Un débat aussi important que celui de la fiscalité mérite toutefois toutes les nuances nécessaires.
Alors que les négociations de l’Arizona entament leur dernière (très longue) ligne droite, Georges-Louis Bouchez a donné un ultime coup de pression. Dans la presse, le libéral a rappelé son impossibilité à accepter de nouvelles taxes.
Pas même un impôt sur les “épaules les plus larges”, comme le souhaite Vooruit ? Le président du MR n’est pas contre un rééquilibrage de l’assiette fiscale (pour autant que cette assiette ne soit pas plus large), mais il a rappelé dans Le Soir, ce week-end, que les 10% des plus riches contribuent déjà à 50% de l’impôt total des personnes physiques (IPP).
Ce matin sur La Première, le libéral ajoute que les 50% des personnes qui paient le plus contribuent à 90% de tout l’IPP. “Si ce n’est pas un impôt progressif, je ne sais pas ce que c’est.”
C’est vrai, mais…
“Ces chiffres viennent de Statbel”, soutient Georges-Louis Bouchez. Et c’est vrai, dans la “Répartition par fractions interdéciles du revenu total net imposable, de l’impôt et du taux moyen d’imposition (revenus 2022)”, on voit que le dernier décile – les 10% des Belges aux plus hauts revenus net imposables – contribue à hauteur de 46% de l’IPP total, en supposant que le président du MR aura arrondi vers le haut.
Et il est vrai, également, que les 4 derniers déciles contribuent à hauteur de 92,6% de l’IPP, en supposant que le président du MR aura arrondi vers le bas.
“Le problème, pointe ce matin l’économiste Philippe Defeyt, c’est que le tableau de Statbel mélange trois catégories de contribuables : ceux qui vivent seuls, ceux qui vivent ensemble, mais font deux déclarations séparées, et ceux qui font une déclaration commune (personnes mariées ou en cohabitation légale).”
L’IPP par contribuable
Un problème ? “Oui, il me parait plus juste de répartir ces chiffres par contribuable, l’IPP étant un impôt finalement individuel. Il n’aura échappé à personne que pour les déclarations des cohabitants légaux ou des personnes mariées, il existe deux colonnes. Mais à la fin, il n’y a qu’une seule déclaration, ce qui fausse donc les chiffres.”
“Concours de circonstances, j’avais justement demandé des précisions à Statbel à ce sujet, poursuit Philippe Defeyt. Et l’office statistique a été dans la capacité de me fournir des chiffres par contribuable.” Et ces chiffres dressent un tableau tout à fait différent : “On y voit que le dernier décile contribue à hauteur de 36,9% du total, ce qui représente 29,8% de leurs revenus.” Pour ce dernier chiffre, rappelons ici qu’on parle bien d’IPP dont les cotisations sociales ne font pas partie.
Source : Philippe Defeyt, sur base des chiffres de Statbel.
Précompte mobilier
Philippe Defeyt – “parce que je suis quelqu’un d’honnête intellectuellement” – apporte néanmoins une nuance à ses nuances : le précompte mobilier. Après tout, tous les revenus ne sont pas issus du travail. “Mais même si on affectait la totalité du précompte mobilier par les contribuables au 10ème décile, leur part dans l’impôt global serait de 41,2%. On est donc loin des 50%, d’après mes calculs.”
“On pourrait encore nuancer avec le précompte immobilier, ajoute l’ancien secrétaire fédéral d’Ecolo, mais celui-ci ne fait pas partie de l’impôt des personnes physiques au regard de l’administration. Or, c’est bien de l’IPP dont Georges-Louis Bouchez parle.”
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