L’économie mondiale pas encore sortie de l’ornière, selon le chef économiste du FMI
L’économie mondiale résiste mais reste à des niveaux faibles, principalement du fait d’un ralentissement de ses principaux moteurs, Etats-Unis, Europe et, dans une moindre mesure, Chine, a estimé mardi le chef économiste du Fonds monétaire international (FMI), Pierre-Olivier Gourinchas.
Vous révisez à la hausse votre prévision 2023 mais la tendance à moyen terme reste malgré tout faible, à tout juste 3%, doit-on s’inquiéter d’une croissance faible persistante?
Il faut d’abord souligner les bonnes nouvelles, avec une légère amélioration de nos prévisions pour cette année, de 2,8% à 3%, ainsi que le fait de voir l’inflation commencer à refluer au niveau mondial. Mais nous n’en sommes pas sortis et la croissance reste faible, notamment du fait d’un ralentissement des économies avancées. Pour donner un point de référence, 3% est bien plus faible que la croissance mondiale connue entre 2000 et 2019, 3,8% en moyenne, en y incluant la crise financière de 2008.
Aux Etats-Unis, le marché de l’emploi reste très solide et l’inflation est moins importante. Mais on observe des signes de ralentissement, raison de notre révision pour l’année prochaine, que l’on attend à 1%. C’est en partie dû au resserrement monétaire qui a un coût pour l’économie, ainsi qu’à la réduction progressive de l’épargne. Nous n’envisageons pas de récession mais les conditions de dégradation dominent toujours.
A l’inverse, l’économie chinoise est repartie rapidement après sa réouverture mais ce rebond ralentit et s’affaiblit plus vite que nous l’envisagions. Malgré tout nous pensons toujours que la Chine peut atteindre son objectif de 5,2% de croissance cette année, nous restons relativement confiants. Mais cela demandera du soutien de la part des autorités, en termes de politique monétaire comme budgétaire, en particulier à destination des consommateurs. La politique budgétaire est aujourd’hui largement orientée vers les entreprises et il faut à la place en faire plus pour les consommateurs.
En Europe la situation est contrastée, certains pays comme l’Espagne ou la Russie voyant leurs prévisions fortement améliorées, d’autres comme l’Allemagne attendus en légère récession, comment expliquer ces différences?
Au sein de l’Union européenne, on remarque un ralentissement plus marqué en Allemagne et une forme de résilience dans le sud, en particulier en Espagne et Italie. C’est en partie dû à une baisse de l’industrie, qui touche un pays à la production industrielle forte comme l’Allemagne et une demande plus forte de services, en particulier le tourisme, les gens veulent voyager, ce qui profite à l’Europe du sud. Mais nous sommes au moment où le passage de la demande en biens vers celle en services est quasiment terminé, le ralentissement va aussi concerner les pays du sud à mesure que la demande en services va se réduire. Nous ne voyons donc pas de bascule de long terme se faire, simplement un rééquilibrage du fait des effets décalés de la pandémie.
Le cas de la Russie est particulier nous a conduit à une révision importante cette année, du fait de la combinaison de différents facteurs: une demande intérieure qui reste forte, des dépenses budgétaires, notamment militaires, qui restent élevés et stimulent la croissance, des exportations, en particulier de pétrole vers la Chine, qui restent solides. Mais le déficit sera de plus de 6% du PIB cette année, un effort important qui n’apporte pas de croissance à long terme.
Vous n’avez pas modifié les prévisions pour la France, malgré six premiers mois agités, quels sont les principaux défis à relever pour le pays?
Les tensions sociales, liées aux retraites ou aux événements plus récents, ont certes eu un coût pour l’économie mais qui est resté relativement modeste au niveau agrégé.
Plus largement on voit un ralentissement que l’on observe dans beaucoup d’autres économies européennes mais une inflation plus faible, en partie grâce aux effets du bouclier tarifaire. Une mesure cependant assez coûteuse du point de vue budgétaire, environ 3% du PIB ce qui est conséquent, mais qui a protégé les ménages et permis à l’inflation de ne pas s’envoler. Elle redescendra plus lentement mais d’un niveau moins élevé.
Mais ce qui devient très important dans le cas de la France est désormais de rétablir des marges budgétaires et se remettre sur un sentier de stabilité de la dette publique qui soit un petit peu plus affirmé que le sentier actuel.