Le Vlaams Belang, un nid d’espion chinois ?

Frank Creyelman en 2009

Une drôle d’affaire secoue le Vlaams Belang depuis quelques jours. Il y est question d’un ex-député du parti qui aurait espionné la Belgique pour le compte de la Chine durant trois ans.

Frank Creyelman n’est pas une star de la politique belge. Cet ex-député et conseiller communal du Vlaams Belang n’en a pas moins fait l’objet d’une enquête fouillée menée conjointement par Le Monde, The Financial Times et le Spiegel. Creyelman aurait, durant trois ans, été payé par un agent du renseignement chinois pour fournir des informations et tenter d’influencer les discussions au sein de la politique européenne en faveur de la Chine. Les trois médias ont pu mettre la main sur des “centaines de messages” entre l’agent chinois Woo et Creyelman, datant de 2019 à fin 2022. Fin 2022, par exemple, Woo lui a demandé de convaincre deux de ses collègues du Vlaams Belang au Parlement européen de déclarer publiquement que la sécurité énergétique européenne était minée par les États-Unis et le Royaume-Uni. Il avait aussi pour mission d’influencer les discussions sur Hong Kong et sur la persécution des Ouïgours.

Juste un pion ?

Si Creyelman n’a pas brillé par son efficacité, ce genre d’action n’en est pas pour autant innocente. Il ne serait qu’un pion permettant de recruter des membres plus influents. Par exemple son frère Steven. Lui est député fédéral. Il est aussi président de la commission des achats de l’armée de la Chambre des représentants et membre de la commission de suivi des opérations militaires à l’étranger. Deux postes qui lui donnent accès à des informations militaires et commerciales très sensibles. Plus troublant encore, Steven Creyelman a posé un certain nombre de questions favorables à la Chine à la Chambre ces dernières années.

Ce mercredi, Ecolo-Groen, le PS et l’Open VLD ont donc demandé à la conférence des présidents de la Chambre que la Sûreté de l’Etat se penche d’urgence sur la question. Steven Creyelman crie lui son innocence. “Je me dissocie sans équivoque des activités de mon frère et j’en suis gravement déshonoré”, a répondu le député mardi. “Qu’une chose soit claire : ni moi ni le parti ne sommes impliqués de quelque manière que ce soit dans cette histoire. Les activités de mon frère ne sont rien d’autre que de la trahison et n’ont rien à faire dans un parti nationaliste comme le nôtre”.

Plus gênant, une autre personne que l’on retrouve dans l’entourage Frank Creyelman est Filip Dewinter (colistier du président du Vlaams Belang et tête de liste en Flandre). Les deux sont des militants de la première heure et sont toujours restés des “camarades politiques”, comme l’indique Dewinter lui-même. Or, dès 2018, un rapport de la Sécurité d’État a révélé que Dewinter avait été conseiller d’une organisation à but non lucratif soupçonnée d’espionnage chinois pendant des années. Il se serait aussi rendu en Chine à plusieurs reprises.

De Croo s’en mêle

Et alors que Frank Creyelman a été immédiatement exclu du parti par le président Tom Van Grieken, le Vlaams Belang reste fermement derrière son frère Steven. Ce faisant, le Vlaams Belang prend un grand risque s’il s’avérait par la suite qu’il y avait un “problème chinois” avec Steven Creyelman. Car cette polémique qui vient bousculer la tentative du Vlaams Belang de se présenter en chevalier blanc d’une politique belge corrompue. Mais aussi l’ambition d’être un potentiel partenaire pour la N-VA.

D’autant plus que la polémique prend, depuis ce matin, un tournant national puisque le Premier ministre s’en mêle. De Croo veut exclure Creyelman de la commission des achats de l’armée. “Cela prouve ce que les services de sécurité de l’État disent depuis des années : nous devons nous méfier de l’influence étrangère”, a-t-il déclaré. ” Contrairement à la Russie, la Chine n’attaque pas notre continent, mais elle reste un pays parfois très hostile. Ce n’est pas rien. La démocratie belge est vendue. Les Chinois essaient d’acheter de l’influence en vue de déstabiliser notre démocratie. Avec le Chinagate, ou devrais-je dire l’Intérêt chinois, tout se déroule sous nos yeux. Que le Vlaams Belang n’aime pas la Belgique, nous le savions. Mais que le parti accorde plus d’importance aux intérêts chinois qu’aux intérêts flamands, je trouve cela remarquable”, dit-il dans De Standaard.

Il compare ce scandale au Qatargate, où des pays comme le Qatar ont soudoyé des eurodéputés pour influencer la prise de décision de ce parlement. “Pour moi, la règle est : mieux vaut prévenir que guérir. Il préside l’une des commissions les plus sensibles du Parlement. Il n’est pas seulement le frère de, il est aussi mentionné dans les rapports”,  a-t-il déclaré en substance, même si, en raison de la séparation des pouvoirs, la décision finale revient à la Chambre.

De Croo se rendra en Chine début janvier. Il ne fait aucun doute que l’affaire d’espionnage influencera les discussions. Le Vlaams Belang a lui résolument opté pour la victimisation. L’affaire ne serait que le fruit d’une exagération des médias et de la manipulation des partis politiques, Open VLD en tête.

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