Le test de la “vraie” semaine de 4 jours fait un four en Belgique

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semaine de 4 jours © Getty Images
Baptiste Lambert

Alors que la semaine de quatre jours séduit à l’étranger, la Belgique peine à la tester. Une étude pilote vient d’en faire la démonstration : un seul employeur a franchi le pas. Retour sur un rendez-vous manqué.

Depuis la crise sanitaire, la réduction collective du temps de travail (RCTT) revient sur le devant de la scène. Aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Espagne ou en Irlande, de nombreuses entreprises testent la semaine de quatre jours sans perte de salaire. Au Royaume-Uni, 61 entreprises ont participé à une expérience nationale ; 56 d’entre elles ont décidé de poursuivre après le test, séduites par une amélioration du bien-être, une hausse de la productivité et une meilleure attractivité RH.

Face à cet engouement, la Belgique n’est pas restée totalement à l’écart. À la demande du gouvernement fédéral, le Bureau fédéral du Plan (BFP) et l’Université de Gand (UGent) ont été mandatés pour organiser une étude pilote visant à évaluer les effets de la RCTT sur la productivité, l’emploi et le bien-être. Cette expérience, baptisée COLORBEL, offrait aux entreprises un accompagnement scientifique gratuit pour tester la semaine de quatre jours sur six mois. L’objectif : évaluer la faisabilité concrète de cette formule dans le contexte belge.

Précisons-le d’emblée, il s’agit de la “vraie” semaine de 4 jours avec 80% du temps de travail et 100% de salaire. L’étude ne porte pas sur les formules de flexibilité individuelle, comme celle introduite dans la réforme du “deal pour l’emploi”, qui permet aux salariés de prester une semaine en 4 jours tout en conservant le même volume horaire. Cette formule, au passage, est également un flop.

Une participation anecdotique malgré des moyens mobilisés

Le dispositif avait tout pour séduire : accompagnement gratuit, webinaires d’information, possibilité de bénéficier d’une réduction temporaire de cotisations sociales. Et pourtant, la réalité a été brutale : une seule organisation a suivi l’entièreté du parcours, et trois autres ont mené un essai en interne sans encadrement scientifique.

Au total, environ 25 entreprises ont montré un intérêt sincère. Mais à mesure que les exigences concrètes se précisaient — réduction d’au moins deux heures par semaine, maintien du salaire, application collective —, les candidatures se sont raréfiées. Au moment de tirer les conclusions, les chercheurs n’ont pas pu produire d’analyse causale robuste, faute de participants et de groupes de comparaison suffisants.

Un système d’incitant mal calibré et des freins multiples

Pourtant, la Belgique dispose d’un outil de soutien depuis 2004 : la « réduction groupe-cible », qui permet une diminution temporaire des cotisations patronales pour encourager la RCTT. Pourquoi ce levier ne fonctionne-t-il pas ?

L’étude identifie huit freins majeurs : peur pour la compétitivité, incertitude juridique, lourdeurs d’organisation, manque de consensus interne, contexte macroéconomique défavorable… En somme, pour qu’un employeur ose franchir le pas, il faut un alignement rare entre plusieurs conditions : perception claire d’un bénéfice (image, bien-être), confiance dans la faisabilité, et un contexte favorable. Dès qu’un seul élément fait défaut, la démarche est abandonnée.

Pire encore : le système d’incitant est souvent utilisé pour financer des congés ponctuels plutôt qu’une vraie réduction hebdomadaire du temps de travail. Sa conception actuelle exclut les essais temporaires, alors que ceux-ci pourraient justement convaincre les hésitants.

Une réforme au point mort malgré des recommandations claires

Les chercheurs ne se contentent pas de ce constat d’échec. Le rapport COLORBEL formule cinq recommandations : mieux informer sur la RCTT et les incitants existants, rendre l’aide financière plus accessible, lever les incertitudes juridiques, centraliser l’information, et adapter le système de soutien pour intégrer des tests temporaires.

Mais ils posent aussi un diagnostic plus profond : une mesure isolée ne suffit pas. La semaine de quatre jours ne peut pas se diffuser massivement sans une dynamique politique, sectorielle ou législative plus large. L’expérience belge montre que les employeurs ne seront pas les moteurs d’un tel changement à eux seuls.

Un échec révélateur

Le flop de la semaine de quatre jours en Belgique est plus qu’une anecdote administrative. Il illustre l’écart entre des aspirations sociétales (plus de bien-être, de flexibilité, d’équilibre vie privée/vie professionnelle) et une réalité économique et juridique rigide. Il met aussi en lumière la difficulté des politiques publiques à catalyser des changements profonds sans une stratégie systémique et une communication adaptée.

En clair, ce n’est pas l’idée qui est mauvaise, c’est l’environnement qui n’est pas prêt. Et en Belgique, la semaine de quatre jours attendra encore.

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