Le tableau de bord pour piloter l’économie belge en 2025: six graphiques à garder en tête ces prochains mois
Il ne faut pas être un grand prophète pour prévoir que l’année qui vient sera tempétueuse. Nous avons choisi six tableaux qui devraient permettre de voir quelle route l’économie belge empruntera en 2025.
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1. L’inflation rentre dans les clous
La hausse des prix a été un indicateur majeur, tant par l’ampleur de la flambée (+ 9,4% en 2022) que par son impact sur la compétitivité et la croissance de l’économie belge. L’évolution des prix restera déterminante pour l’année qui s’annonce, car elle fixera le rythme de la hausse salariale et celui de la baisse des taux ces prochains mois.
Aujourd’hui, l’inflation dans notre pays est encore très élevée. “À 5% en novembre 2024, le taux d’inflation annuel de la Belgique a encore été supérieur à ceux de tous les autres pays de la zone euro, pour le huitième mois consécutif”, souligne l’économiste Éric Dor. Cette flambée s’explique d’abord par le bond de 16,5% des prix de l’énergie entre novembre 2023 et novembre 2024, parce que le tarif de base sur l’électricité et le gaz qui avait permis de freiner la hausse des prix était encore d’application en novembre 2023 et ne l’est plus en 2024. Cet impact technique disparaît ces prochains mois. Les prix devraient donc “revenir dans les clous” et s’approcher de l’objectif d’environ 2% que s’est fixé la Banque centrale européenne.
En septembre, le Bureau du Plan estimait que l’indice national des prix à la consommation (un indice légèrement différent de l’indice harmonisé utilisé par la BCE) devrait passer sous les 2% en 2025. La BCE prévoit elle aussi un assagissement des prix dans toute la zone euro, avec une hausse limitée à 2,2% en 2025 et à 1,9% en 2026.
Mais deux éléments pourraient perturber cette tendance. Le premier est l’évolution du marché de l’énergie. Les prix du gaz, ces dernières semaines, sont plus élevés que ce que beaucoup pensaient, et les tensions géopolitiques risquent de se répercuter sur le marché de l’énergie. Et puis, il y a aussi les conséquences du retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Le président républicain est un adepte des tarifs douaniers, ce qui devrait en retour amener également des représailles tarifaires de l’Europe et de la Chine, et favoriser une hausse des prix générale, aux États-Unis mais aussi ailleurs. Une hausse soutenue en outre par la bonne tenue du dollar, monnaie dans laquelle sont libellés les prix de la plupart des matières premières.
2. La croissance est revue à la baisse
“Nous avons revu à la baisse nos perspectives de croissance. Elles ne sont plus que de 0,6% pour la Belgique en 2025, alors que nous tablions sur 1% auparavant”, souligne Bernard Keppenne, le chief economist de CBC. L’élément perturbateur, c’est évidemment l’élection américaine et la politique commerciale protectionniste que devrait mener Donald Trump.
“L’impact direct sur le PIB belge d’un droit de douane potentiel de 10% sur les biens exportés vers les États-Unis est relativement important, étant donné le ratio élevé des exportations totales de la Belgique par rapport à son PIB. En pourcentage du PIB, les exportations vers les États-Unis s’élèvent à environ 5% en Belgique, ce qui est le chiffre le plus élevé de l’Union européenne derrière l’Irlande”, rappelle Bernard Keppenne.
Des secteurs comme la chimie, la pharmacie ou l’agroalimentaire, particulièrement exportateurs vers les États-Unis, seraient les plus touchés. Nous devrions aussi subir un impact indirect de la politique protectionniste américaine, ajoute l’économiste, parce que ces mesures affecteront également l’activité chez nos voisins, qui sont aussi nos principaux partenaires commerciaux.
3. Le chômage remonte
La baisse attendue de l’activité dans ces secteurs exportateurs devrait entraîner également des baisses d’emplois dans un marché qui n’était déjà plus aussi tonique qu’auparavant.
Un cocktail d’éléments devrait faire en sorte que les chiffres du chômage remontent l’an prochain. Le premier est tout simplement démographique. La population active continue d’augmenter, certes légèrement. Et notre économie a désormais beaucoup de mal à continuer à augmenter son taux d’emploi, c’est-à-dire à mettre au travail des personnes en âge de travailler.
Nous avons donc, pour les faillites, un phénomène de rattrapage qui perdurera en 2025.
Bernard Keppenne
Mais à cela s’ajoute une activité économique relativement faible qui devrait être fatale à de nombreuses entreprises. Entre janvier et octobre, 9.239 faillites ont été prononcées dans le pays. Nous devrions donc dépasser largement en 2024 le nombre total de faillites enregistrées en 2023 (10.243) et en 2022 (9.265).
“Les entreprises ont déjà subi des chocs au moment de la crise du covid et de la crise énergétique, et elles subissent en même temps des révisions de leurs conditions de financement, qui sont plus sévères qu’il y a trois ans, explique le chief economist de CBC, Bernard Keppenne. Nous avons donc, pour les faillites, un phénomène de rattrapage qui perdurera en 2025.”
En septembre, le Bureau du Plan relevait “qu’au cours des derniers trimestres, la perte significative d’emplois salariés dans l’industrie manufacturière et le commerce de détail a été particulièrement frappante, tandis que le nombre d’emplois salariés dans le secteur de la construction s’est, lui aussi, contracté et que la croissance de l’emploi dans un certain nombre de branches traditionnellement dynamiques des services aux entreprises a fortement ralenti.” Cette tendance devrait se poursuivre, car de nouveaux plans sociaux sont attendus ces prochains mois.
4. La balance commerciale se détériore
Depuis des décennies, la position concurrentielle de la Belgique par rapport au reste du monde s’affaiblit. Le graphique ci-contre est celui des exportations nettes de biens et de services exprimées en pourcentage du PIB. “Depuis 2000, on observe une détérioration sensible de nos exportations nettes et nous avons déjà un déficit commercial, constate Koen De Leus, le chief economist de BNP Paribas Fortis. Et c’est la conséquence du fait que nos importations sont plus élevées que nos exportations. Depuis 2022, poursuit-il, nous avons observé une détérioration prononcée de la situation, en raison de la perte de notre compétitivité.”
Une perte qui s’explique en partie, selon Koen De Leus, par l’indexation automatique des salaires. “Aujourd’hui, les salaires ont augmenté dans les pays voisins, mais cette augmentation est toujours en retard par rapport à la nôtre”, dit-il. Une autre raison de l’essoufflement de nos exportations, qui est aussi observable en Allemagne, est que “l’exportation des biens a souffert du ralentissement de la croissance en Chine”.
Si la France et l’Allemagne subissent la même tendance négative que nous, les Pays-Bas, en revanche, ont réussi à conserver une balance commerciale largement positive. Pourquoi ? “La quote-part des services dans les exportations des Pays-Bas est assez élevée, elle est passée de 15% à 25% du PIB entre 2000 et 2023, répond Koen De Leus. Les Pays-Bas ont aussi investi énormément dans l’infrastructure de leur port de Rotterdam et sont un hub logistique pour l’e-commerce, ce qui nous manque en Belgique à cause de la régulation astreignante concernant, par exemple, le travail de nuit.”
Les Pays-Bas abritent également des entreprises innovantes et exportatrices dans les secteurs high-tech (on pense à ASML) et pharmaceutique.
5. Les finances publiques continuent de déraper
Difficile d’échapper au graphique des finances publiques qui montre que la Belgique ne parvient toujours pas à maîtriser ses dépenses. Nous écrivons ces lignes quelques jours avant la publication par la Banque nationale de ses prévisions de fin d’année. Mais aucune amélioration n’est attendue par rapport aux chiffres publiés au printemps – un déficit public de 4,8% du PIB en 2024 et de 5,3% en 2025.
On sait ce qui, au niveau des dépenses, pèse sur les comptes du pays : d’une part, les coûts liés au vieillissement qui continuent d’augmenter, et d’autre part, les charges d’intérêt sur la dette publique. Enfin, le rebond de l’inflation n’a pas été non plus une bonne chose pour les finances publiques, car l’indexation automatique des dépenses publiques a été plus élevée que l’indexation des salaires dans le privé. La hausse des dépenses a donc été plus importante que la hausse des recettes.
Une bonne nouvelle cependant en 2025 : “La croissance des coûts de pension sera temporairement interrompue, car l’âge légal de la retraite sera relevé de 65 à 66 ans”, observe la Banque nationale. Mais cela ne sera pas suffisant pour remettre les finances publiques sur les rails. On attend donc avec impatience le programme budgétaire du nouveau gouvernement, quand il sera formé.
6. La dette sociale gonfle
Dans les comptes publics, un poste crucial est celui de la sécurité sociale, qui pèse pour près de 100 milliards d’euros. Mais chaque année, l’État doit verser une dotation d’équilibre toujours plus importante pour corriger les comptes, parce que les recettes ne suffisent pas à couvrir les coûts des soins de santé, des pensions, etc. À la fin de cette année 2024, la sécurité sociale devrait afficher un déficit de 6,3 milliards d’euros. “Par le passé, la dotation d’équilibre était à un niveau beaucoup moins élevé, relève Alice Defauw, du centre de compétence Emploi et Sécurité sociale de la FEB. En 2017, 2018, 2019, le montant n’atteignait pas 3 milliards.”
“Ce qui est surtout inquiétant, c’est le montant des dépenses qui vont aux malades de longue durée, soit 9,5 milliards en 2024. (FEB)
Alice Defauw
Aujourd’hui, donc, on dépasse les 6 milliards d’euros et les projections sont de plus en plus inquiétantes : 7,6 milliards en 2025 et… 14,4 milliards en 2029. Ce dérapage s’explique par le vieillissement de la population, qui pèse doublement sur la sécu. D’abord parce qu’”il y a les dépenses évidemment liées aux pensions, avec un nombre toujours plus important de départs à la retraite”, observe Alice Defauw. Ensuite, parce qu’une population qui vieillit coûte davantage en soins de santé.
“Mais, ajoute Alice Defauw, ce qui est surtout inquiétant, c’est le montant des dépenses qui vont aux malades de longue durée, un montant qui est de 9,5 milliards en 2024. Il y a désormais plus de 500.000 malades de longue durée, et ce coût croît énormément. Selon les projections, nous serions à 12,7 milliards en 2029. Et si l’on ajoute les malades de courte durée (moins d’un an), le montant actuel s’élève à 13,3 milliards, et il atteindrait 17,3 milliards en 2029.”
Il faudra donc garder un œil sur ces dépenses de maladie-invalidité. “Pour nous, il est essentiel que, pour arriver à garantir la soutenabilité de la sécurité sociale, les gens travaillent plus longtemps afin que nous arrivions à un taux d’emploi de 80%, ce qui permettrait d’avoir davantage de cotisations et de recettes, tout en réduisant la pression au niveau des dépenses”, ajoute Alice Defauw.
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