Le Service Citoyen menacé par la coalition Arizona
Parmi les nombreuses fuites de la « super note » de Bart De Wever figure l’abrogation de la loi instaurant un Service Citoyen en Belgique.
Une nouvelle fuite de la “super note” de Bart De Wever discutée par la future coalition Arizona a fait un peu moins de bruit que celle concernant la taxation des plus-values ou celle sur les pensions. Elle a pourtant un impact sociétal et économique important. La NVA entend abroger la loi instaurant un service citoyen en Belgique.
Un vote historique
Pour rappel, le Parlement fédéral a adopté cette loi en mai 2024 (vote MR, PS, Ecolo/Groen, Vooruit, CD&V, Open VLD, les Engagés, Défi). Avec à la clé, un budget annuel de 7,5 millions d’euros. Ce qui permet à des centaines de jeunes de s’engager dans des missions citoyennes de quelques mois, contre une rémunération. Le vote qualifié “d’historique” par le secteur fut l’un des derniers actes de la Chambre avant sa dissolution.
“A peine votée, sitôt abrogée?”, s’interroge la plateforme pour le Service Citoyen. Elle confirme la fuite de la “super note”. « La suppression pure et simple de ce cadre normatif si chèrement acquis est bien l’une des mesures envisagées dans la note du formateur telle que discutée en ce moment même par la coalition Arizona ».
Une situation “très inquiétante”
« La situation est très inquiétante », commente pour Trends Tendances François Ronveaux, directeur général et porte-parole de la plateforme pour le Service Citoyen. La future coalition Arizona veut abroger cette loi. Ce qui signifierait une perte majeure pour un projet de société construit pendant quinze ans. Le service citoyen a impliqué des milliers d’organisations. Il a reçu un soutien important de la société civile et politique, sauf de la N-VA, qui bloque cette évolution ».
Le bras de fer est politique. “À l’exception notable de la N-VA, d’autres partis ont soutenu l’initiative, ce qui est essentiel pour la continuité du service citoyen », mentionne François Ronveaux. Alexander De Croo a exprimé son soutien officiel au service citoyen. Les partis de la Vivaldi ont aussi soutenu l’initiative, notamment le PS. Le ministre de l’économie et du travail Dermagne a porté le projet. Les Engagés sont actuellement les seuls à défendre mordicus le maintien de la loi. “Au sein du MR, on sent qu’il y a une baisse de la garde et un peu moins de soutien ces derniers jours”, regrette le porte-parole.
La NVA contre la communautarisation
Mais pourquoi la N-VA s’oppose-t-elle à cette loi ? Selon le responsable de la plateforme, le parti de Bart De Wever la considère comme « une forme de communautarisation du service citoyen ». « Ils n’ont pas supporté qu’une loi fédérale permette aux jeunes de jouer un rôle dans toute la Belgique au service de la collectivité. Actuellement, ce service offre aux jeunes une indemnité décente, une protection contre la recherche d’emploi obligatoire et un financement stable. C’est un acquis social. Mais la N-VA semble vouloir y mettre fin ». Cet été, le gouvernement flamand a même introduit un recours (qui court toujours) en annulation auprès de la Cour constitutionnelle.
Candidat pour l’Agence du Service citoyen
Cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête, les responsables de la plateforme du Service Citoyen postulent vaille que vaille pour décrocher les rênes de l’Agence pour le Service citoyen en voie de création. Ironie du calendrier, l’administration ayant pris (beaucoup) de retard, l’appel d’offre pour l’Agence vient d’être publié sur le site officiel du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale.
Le cahier des charges qui détaille les exigences et les procédures est en ligne. La plateforme pour le Service Citoyen a de grandes chances d’être sélectionnée même si elle n’est pas à l’abris d’une surprise venant d’un autre organisme. Les candidatures se terminent le 17 février. La subvention maximale disponible est de 7.500.000 euros par an pour l’organisme qui sera choisi. Dont 3.500.000 euros de subsistance visant à couvrir les coûts de personnel et les coûts d’exploitation ainsi que 4.000.000 euros destinés au versement des indemnités pour service citoyen (coûts de mission).
Cela fait un bout de temps que la situation est schizophrénique. Mais là, on atteint des sommets
François Ronveaux
directeur général de la plateforme pour le Service Citoyen
Une situation chaotique assez paradoxal dans cette période d’incertitude intense. « Cela fait un bout de temps que la situation est schizophrénique. Mais là, on atteint des sommets », déplore François Ronveaux. D’un côté, nous postulons pour l’Agence du Service Citoyen, de l’autre, nous savons que si l’Arizona abroge la loi, l’avenir du service citoyen est très incertain. Mais, en tant qu’organisation, nous n’avons pas d’autre choix que de continuer à candidater, en espérant que la situation politique s’éclaircisse ».
Des conséquences “désastreuses”
Si la future coalition Arizona décide d’abroger la loi, les conséquences pour la plateforme seront désastreuses. « Si la loi est abrogée et dans la foulée la création de l’Agence du Service citoyen, cela aura des conséquences dramatiques. Notre financement et nos projets risquent de disparaître. Actuellement, nous dépendons de subsides régionaux qui courent jusque juin pour la Wallonie et septembre 2025 pour Bruxelles. Au-delà, la situation devient incertaine pour nos équipes et les jeunes impliqués. Cela pourrait signifier la fin pure et simple du service citoyen, tel que nous le connaissons, car il n’existera plus de cadre juridique pour le soutenir », alerte son responsable.
Cela pourrait signifier la fin pure et simple du service citoyen, tel que nous le connaissons, car il n’existera plus de cadre juridique pour le soutenir
François Ronveaux
directeur général de la plateforme pour le Service Citoyen.
La situation crée également des remous en interne. Des démissions en cascade et des licenciements ont eu lieu ces derniers mois. Une réorganisation est en cours. « Nous avons déjà dû licencier un certain nombre de collaborateurs, faute de visibilité sur l’avenir, nous confirme François Ronveaux. « La gestion de cette incertitude est difficile pour nos équipes. Nous devons prendre des décisions sans savoir où nous allons, ce qui génère énormément de stress. »
L’impact sur le recrutement des jeunes qui veulent s’investir dans une mission citoyenne semble, pour le moment, encore assez limité. « Nous ne connaissons pas encore le réel impact sur nos activités. Cela dépendra de la décision politique. Mais, la situation est très préoccupante. Le recrutement des jeunes pour le service citoyen pourrait être menacé, surtout si l’on ne peut pas leur offrir de perspectives claires ».
Remplacé par un “service militaire volontaire” ?
La future coalition n’abandonnerait toutefois pas complètement l’idée d’un service d’intérêt général pour les jeunes. Dans une autre note du formateur, celle dédiée à la Défense, on peut y lire que le futur gouvernement veut offrir, “pour les jeunes”, la possibilité “d’effectuer un service militaire volontaire de 12 mois”, au sein de la Défense, rapporte la RTBF.
4000 jeunes, 1.500 organisations
Le service citoyen s’adresse aux jeunes âgés de 18 à 25 ans et leur permet de s’investir dans des projets utiles à la société, pour une durée de 6 mois à un an, tout en gardant la dispense de recherche d’emploi et une rémunération. L’an dernier, 580 jeunes ont effectué ce service dans l’un des 1500 organismes affiliés. Cela va des maisons de repos, à des associations sportives, en passant par des centres culturels ou des fermes pédagogiques. Jusqu’à présent, les jeunes, sous statut de bénévoles, étaient indemnisés 10 euros par jour. Plus de 4.000 jeunes ont déjà participé au programme opérationnel depuis sa création en 2007.
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