Christophe De Caevel
Le retour du communautaire à l’avant-plan de la scène politique belge
Les deux ministres des réformes institutionnelles n’ont certainement pas envie que le leader de l’opposition préempte déjà le résultat de leurs cogitations.
Le communautaire vous manquait? Réjouissez- vous, il ne tardera pas à revenir. Dans un entretien accordé à la VRT, le président de la N-VA Bart De Wever a en effet rappelé sa ferme intention de négocier une nouvelle réforme de l’Etat au lendemain des élections législatives de 2024. Elément intéressant: il privilégie sans hésitation l’option d’une négociation avec le PS en vue d’une “séparation ordonnée” à celle d’un éventuel coup de force avec le Vlaams Belang, même si d’aventure le bloc nationaliste devait être majoritaire en Flandre.
Cet improbable accord avec le PS, Bart De Wever a failli l’obtenir durant l’été 2020. Il a alors rencontré une cinquantaine de fois Paul Magnette et, peu à peu, les deux hommes se sont apprivoisés. Dans un livre intitulé Les fossoyeurs de la Belgique, qui vient de paraître chez Media-Nation, le journaliste Wouter Verschelden raconte comment les présidents des deux plus grands partis du pays ont appris à se faire confiance et, par là, à faire vraiment bouger les lignes. Ils n’ont toutefois pas réussi à réunir une majorité autour de leur projet, les libéraux et les écologistes ayant tous deux refusé de s’y rallier. Le moment n’a pas été saisi, pas sûr qu’il puisse revenir, même si le président de la N-VA y pense parfois avec une certaine nostalgie.
Les deux ministres des réformes institutionnelles n’ont certainement pas envie que le leader de l’opposition préempte déjà le résultat de leurs cogitations.
D’ici le prochain scrutin, beaucoup de choses peuvent se passer. A commencer par une réforme de l’Etat. Deux ministres – David Clarinval (MR) et Annelies Verlinden (CD&V) – ont été chargés de préparer des réformes institutionnelles en vue de la prochaine législature. Ils n’ont certainement pas envie que le leader de l’opposition préempte déjà le résultat de leurs cogitations.
S’ils étaient demandeurs de transferts de compétences dans les années 1960, les francophones sont depuis devenus très frileux sur le sujet. Ils ne s’y aventurent qu’à reculons, cherchant à troquer l’acceptation de quelques ambitions flamandes contre du bois de rallonge pour le budget de la Fédération Wallonie-Bruxelles ou de la Région Bruxelles-Capitale. L’histoire pourrait bien se répéter puisque la crise n’a rien arrangé dans les finances de la Fédération. Les déficits cumulés devraient porter sa dette à 15 milliards d’euros d’ici 2024, soit un doublement au cours de la législature. La question de la viabilité à terme de cette institution politique dénuée de tout pouvoir fiscal est posée. Et les partis francophones seraient bien avisés d’essayer d’y répondre avant le prochain scrutin, avant d’être éventuellement dos au mur. D’autant que Bruxelles et la Wallonie ont, elles aussi, dû laisser filer leurs budgets pour traverser la crise.
A supposer qu’elles en aient les moyens, ces deux Régions auraient-elles encore envie de voler au secours de l’institution (la FWB) qui les relie? Les évolutions tant socio-économiques que démographiques conduisent les partis à adopter de plus en plus régulièrement des postures différentes en Wallonie et à Bruxelles. C’est particulièrement criant en matière de mobilité ou de neutralité des agents publics mais cela devient désormais également palpable sur des enjeux comme celui de la formation. Plusieurs mandataires nous ont d’ailleurs confié que les discussions politiques étaient aujourd’hui plus compliquées entre Wallons et Bruxellois qu’entre Flamands et francophones. On a envie d’y voir le signe que l’heure est venue d’avancer résolument vers une Belgique à quatre ou cinq Régions. Et de rappeler qu’il y a parfaitement moyen de mener des politiques communes pour la culture, l’enseignement supérieur ou la recherche, sans pour autant passer par la case d’un gouvernement et d’un parlement spécifiques.
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