Le poids de l’administration publique en Belgique est démesuré 

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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Une étude de Jean Hindriks et Alexandre Lamfalussy  (UCLouvain) démontre que nous payons bien plus cher que nos pays voisins. Les pouvoirs locaux sont les plus gourmands. Une rationalisation est possible. 

Le poids de l’administration en Belgique est démesuré. Si le constat mérite quelques nuances, c’est tout de même la conclusion de l’étude consacrée au nombre d’emplois publics, réalisé par Jean Hindriks et Alexandre Lamfalussy, de l’UCLouvain. 

Nous dépensons pour l’administration publique belge 6.718 euros en plus par habitant que la moyenne UE-27, écrivent-ils dans leur conclusion. En particulier nous dépensons 1.697 euros en plus par habitant que la France, 2.194 euros en plus par habitant que les Pays-Bas, 3.072 euros en plus par habitant que l’Allemagne, et 5.092 euros en plus par habitant que l’Italie.” C’est substantiel. 

Si peu de marges d’économie existent dans l’enseignement ou la santé, il existe toutefois des économies d’échelle possibles au niveau des pouvoirs locaux, qui emploient le tiers de l’ensemble des fonctionnaires du pays. “Je ne dirais pas qu’il y a du gras, mais il y a certainement de la place pour des rationalisations, nous précise Jean Hindriks. Des fusions de communes sont envisageables. En tout cas, il faut arrêter avec la création de structures supplémentaires comme on l’envisage avec la supra-communalité.” 

Une croissance plus lente que le privé 

Fin 2022, la Belgique comptait 962.831 emplois publics au sens strict en ETP, dont 50% au niveau des communautés et régions, 30% au niveau des administrations locales et 20% au niveau des administrations fédérales, souligne l’étude. L’enseignement représente 3 emplois publics sur 4 au niveau des régions et communautés.” 

“C’est considérable, mais il faut nuancer en précisant que la croissance de ces emplois publics a été moins importante ces dernières années que l’emploi privé”, précise Jean Hindriks. 

L’emploi public a connu une augmentation de 4,9% entre 2017 et 2022, avec une baisse de 2,8% au niveau fédéral, compensée par une hausse de 6,8% au niveau des entités fédérées, peut-on lire dans le rapport. Au sein des entités fédérées, les hausses sont respectivement de 21,7% en Région Bruxelloise, 9,1% en Région Wallonne, 8,8% en Région et Communauté Flamande, 5,3% en Communauté Française et 4,3% au niveau des villes et communes.” Les transferts de compétences modifient les rapports de force, mais la croissance importante en Région bruxelloise est édifiante. 

“En 2015, le nombre d’emplois (ETP) dans le secteur privé (non compris les indépendants) s’élevait à 2.038.858, complète l’étude, corroborant la nuance de Jean Hindriks. En 2023, ce chiffre a augmenté pour atteindre 2.241.153, soit une hausse de 10%.” 

Un rapport contrasté avec la Flandre 

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’écart entre les entités francophones et la Flandre n’est pas criant. La densité de l’emploi public au sens large (par habitant) est comparable entre la Flandre et la Wallonie, lit-on. L’emploi public est mesuré au lieu de travail. En 2022 on dénombre 11,1 emplois publics pour 100 habitants en Wallonie contre 10,4 emplois publics pour 100 habitants en Flandre et 7,7 emplois publics pour 100 habitants à Bruxelles.” 

Par contre, le fossé est large entre Nord et Sud pour ce qui concerne les villes et communes. “Au niveau des administrations locales, on observe une grande disparité régionale dans la densité des emplois publics avec 7,9 ETP pour 1000 habitants en Flandre contre 11,2 ETP en Wallonie et 13,8 ETP à Bruxelles (soit presque le double de la densité administrative locale de la Flandre).” 

Voilà une information qui ne tombera pas dans l’oreille d’un sourd alors que la dégradation des finances locales vient d’être mis en lumière par un rapport de Belfius et le refus d’un emprunt wallon par ING. “L’exemple de la fusion entre Bastogne et Bertogne montre qu’il est possible de rationaliser, même si c’est compliqué”, souligne Jean Hindriks. Des économies d’échelle sont possible, qui permettrait d’économiser entre 100 000 et 200 000 euros par 1000 habitants. 

En ce qui concerne l’enseignement, souligne le professeur d’économie de l’UCLouvain, les marges sont moins importantes et les pénuries sont réelles. Il n’en reste pas moins que 10% des enseignants se trouvant sur le pay-roll ne sont pas dans les classes: détachés pédagogiques, mis en disponibilité, malades de longue durée… “Ce ne sera pas évident de les faire revenir”, déplore-t-il. 

Ce rapport, après un premier consacré au nombre de mandataires publics dans notre pays, est un nouveau pavé dans la mare démontrant que notre gestion publique coûte fort cher. 

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