Paul Vacca
Le mythe du plastique recyclable
Le retraitement des déchets plastiques – quand il est possible – reste terriblement nocif, affectant en premier lieu les communautés défavorisées géographiquement et économiquement.
“Le plastique, c’est fantastique”, chantait le groupe Elmer Food Beat. Et c’est vrai qu’il le fut. Matériau porteur de toutes les promesses de la société de consommation triomphante: économique et pratique, se pliant à tous les désirs, épousant toutes les fonctions, formes ou apparences, malléable et jetable à merci… En fait, le plastique s’est adapté à tout – d’où son nom – sauf à une chose: son recyclage.
C’est ce que démontrent Judith Enck, professeure au Bennington College, et Jan Dell, ingénieure et fondatrice de l’association Last Beach Cleanup, dans un article de The Atlantic: le recyclage du plastique ne fonctionne pas et ne fonctionnera jamais. Selon elles, ce n’est ni le concept ni le processus de recyclage qui sont en cause. Ceux-ci fonctionnent parfaitement pour le papier, le verre ou les conserves. Le problème, c’est la matière plastique elle-même.
D’abord, parce que le plastique n’est pas une entité: il existe en réalité des milliers de plastiques différents possédant chacun des compositions et des caractéristiques incompatibles, les rendant inaptes à être recyclés ensemble et, de fait, rendant impossible le tri de trillions de morceaux de plastique pour recyclage. Le polyéthylène haute densité (HDPE), le polychlorure de vinyle (PVC), le polyéthylène basse densité (LDPE), le polypropylène (PP) et le polystyrène expansé (PS) doivent tous être séparés pour être recyclés. Mieux encore (ou pire), les bouteilles en polytéréphtalate d’éthylène (PET) ne peuvent être recyclées avec les coques en PET de même que les bouteilles en PET vertes ne peuvent l’être avec les bouteilles en PET transparentes. A titre d’exemple, un repas en fast-food peut engager pas moins de cinq types de plastique à usage unique: gobelets, couvercles, coques, plateaux, sacs et couverts (respectivement en PET, HDPE, LDPE, PP et PS) qui ne peuvent être recyclés ensemble.
Ensuite, parce que le retraitement des déchets plastiques – quand il est possible – reste terriblement nocif, affectant en premier lieu les communautés défavorisées géographiquement et économiquement. Contrairement au métal et au verre, le plastique n’est pas inerte. Et, enfin, parce que le recyclage du plastique n’est tout simplement pas économique. Le plastique recyclé coûte plus cher que le plastique neuf. La collecte, le tri, le transport et le retraitement des déchets plastiques ont un coût exorbitant alors que l’industrie pétrochimique en pleine expansion parvient, dans un effet ciseaux inquiétant, à toujours baisser le coût du plastique.
Or, malgré cet échec patent du recyclage – qu’il soit mécanique ou chimique – l’industrie du plastique continue de perpétuer le mythe de la recyclabilité du matériau. Une attitude qui n’est pas sans rappeler, selon les autrices, les efforts déployés par l’industrie du tabac pour convaincre les fumeurs que les cigarettes avec filtres étaient plus saines que les cigarettes sans filtre.
Désespérant? Sans aucun doute. Mais Judith Enck et Jan Dell se gardent bien de vouloir nous plonger dans le désespoir. Sortir du déni nous permet de nous libérer collectivement de cet alibi confortable du recyclage qui permet aux producteurs de produire tranquille et nous de consommer sans trop de remords. Or il vaut mieux faire face à la réalité et cesser de se bercer d’illusion.
Nous, consommateurs, avons un rôle d’aiguillon à jouer vis-à-vis des entreprises pour qu’elles cessent de proposer des plastiques à usage unique préférant les produits réutilisables et mieux emballés. Et s’il faut continuer de recycler nos papiers, boîtes de conserve, canettes ou bouteilles en verre – car cela marche -, il nous faut, en revanche, cesser de recycler l’idée fausse de plastique recyclable.
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