Christophe De Caevel
Le mystère wallon
L’économie wallonne ne parvient pas à rebondir en dépit d’injections récurrentes de fonds européens.
“L a Wallonie est-elle la nouvelle Grèce?”, titrions-nous en novembre dernier. L’endettement régional atteint des proportions alarmantes (200% des recettes) et, plus inquiétant encore, l’économie wallonne ne parvient pas à rebondir en dépit d’injections récurrentes de fonds européens et des multiples Plans Marshall. La Commission européenne admet ce constat d’échec: le PIB par habitant (l’indicateur phare des politiques dites de cohésion) de la Wallonie ne s’est pas rapproché de la moyenne européenne. Pire, une seule région sur 59 a vu son PIB/habitant progresser avec l’apport des fonds structurels et 18 ont même reculé. Cela devrait inciter la Commission à revoir de fond en comble la manière dont les moyens sont utilisés. Et avec effet immédiat pour éviter que les 750 milliards du plan de relance européen s’avèrent tout aussi peu productifs.
L’économie wallonne ne parvient pas à rebondir en dépit d’injections récurrentes de fonds européens
Dans une chronique publiée par l’Institut Jules Destrée, l’économiste Didier Paquot souligne à cet égard “le mystère wallon”. Quand on observe la politique d’innovation, les dépenses en R&D, les brevets ou la création de start-up, la Wallonie se range parmi les strong innovators européens et se démarque ainsi positivement des autres régions en décrochage. Cela se traduit par la consolidation d’un impressionnant écosystème des biotechnologies et par l’émergence d’un tissu de start-up. Mais manifestement, cela ne suffit pas à impulser un élan suffisant à l’ensemble de l’économie régionale.
C’est ici que l’on regrette l’absence de culture d’évaluation dans notre pays. Les gouvernements adoptent des mesures qu’ils pensent être pertinentes (du moins, nous l’espérons) mais sans les assortir de critères précis d’évaluation de leurs effets. Les incubateurs, les centres de recherche, les aides aux entreprises, les pôles de compétitivité, les multiples organismes de formation, l’animation économique, etc., ont sans doute individuellement leur utilité. Mais d’une part, on peine souvent à voir la cohérence d’ensemble dans l’embrouillamini d’institutions et de plans d’action (difficile dès lors d’instiller cette confiance qui fait cruellement défaut). Et d’autre part, personne ne peut chiffrer leur impact réel sur le fonctionnement de notre économie. Personne ne peut dès lors vérifier l’efficacité de l’utilisation des moyens publics. Le budget base zéro, que le gouvernement wallon est en train d’implémenter, pourrait cependant amorcer une intéressante évolution à cet égard.
L’une des difficultés de l’exercice d’élaboration de politiques économiques régionales est la profonde dualité du territoire entre un Brabant wallon, qui figure parmi les zones les plus riches d’Europe, et certaines poches du Hainaut ou de Liège où le taux d’activité peine à dépasser les 70%, depuis parfois deux ou trois générations. A l’heure actuelle, les secondes tirent hélas plus l’ensemble vers le bas que les premières ne l’entraînent vers le haut. “Même s’il existe de merveilleuses initiatives d’entrepreneuriat, elles ne suffiront pas, écrit l’économiste Bruno Colmant dans un récent post sur LinkedIn. Le chômage est endémique et la formation des jeunes et des adultes est insuffisante.” Les territoires “zéro chômeur de longue durée”, qui figurent dans les cartons du gouvernement, pourraient être une piste de solution à cet égard et aider à enclencher une dynamique d’activité depuis le bas de l’échelle. Encore faudrait-il que cette piste soit cette fois correctement évaluée et intégrée dans une vision d’ensemble du redéploiement économique de la Wallonie.
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