Le froid hivernal et diplomatique affole les prix du gaz en Europe
Le cours du gaz en Europe a battu un nouveau record mardi au premier jour de l’hiver, dopé par la demande saisonnière et les tensions géopolitiques entre le principal fournisseur, la Russie, et ses clients.
“Le gaz naturel européen poursuit son inexorable ascension”, ont constaté les analystes de Deutsche Bank, du fait de “températures qui continuent à baisser en Europe” et de “l’absence de réservation par Gazprom (le géant gazier russe, NDLR) de capacités supplémentaires en janvier pour le gaz passant par l’Ukraine”.
Le cours européen de référence, le très volatil TTF néerlandais, a gagné mardi plus de 22% pour s’installer à 180,267 euros le mégawattheure (MWh), après un pic à 187,785 euros peu après 15H00 GMT (16H00 à Paris).
Celui du gaz britannique pour livraison le mois prochain a connu une hausse comparable et clôturé à 451,72 pence par thermie (une unité de quantité de chaleur), après avoir culminé en séance à 470,83 pence.
Ces sommets sont dix fois supérieurs aux prix observés il y a un an.
Pour certains analystes, l’accélération récente de la flambée des cours – de plus de 90% depuis le 1er décembre – illustre tant la forte demande européenne à mesure que les températures baissent que les craintes sur l’offre, dont un tiers provient de Russie.
Un gazoduc sous pression
Le regain de tensions à la frontière entre la Russie et l’Ukraine est régulièrement mis en avant par les observateurs du marché pour expliquer l’envolée des prix.
Le président russe Vladimir Poutine a promis mardi une réponse “militaire et technique” si ses rivaux occidentaux ne mettent pas fin à leur politique jugée menaçante.
Pour le Kremlin, les Etats-Unis et l’Otan renforcent leur présence aux frontières russes en armant l’Ukraine, en la soutenant politiquement, en y menant des manoeuvres et en déployant des forces en mer Noire.
Les Occidentaux accusent au contraire Moscou de velléités agressives, l’armée russe ayant massé des dizaines de milliers de soldats à la frontière avec l’Ukraine, pays dont la Russie a déjà annexé une partie du territoire.
Le changement de ton à Berlin sur le gazoduc controversé Nord Stream 2 est également au centre des préoccupations des investisseurs, ce dernier permettant par ailleurs de contourner l’Ukraine, voie de transit utilisée actuellement pour une bonne partie du gaz russe acheté par l’Union européenne (UE).
Long de 1.200 kilomètres, le gazoduc passe sous les eaux de la Baltique de la Russie au nord-est de l’Allemagne et a toujours été défendu par l’ancienne chancelière conservatrice Angela Merkel.
Réaction en chaîne
Le nouveau gouvernement allemand du social-démocrate Olaf Scholz est autrement moins conciliant.
Ainsi le ministre de l’Economie allemand, l’écologiste Robert Habeck, a mis en garde samedi contre de “sévères conséquences” pour le pipeline en cas d’agression de la Russie contre l’Ukraine, s’inscrivant dans les pas de la nouvelle cheffe de la Diplomatie Annalena Baerbock qui avait menacé le 12 décembre “d’arrêt” pur et simple de Nord Stream 2 en cas d’escalade en Ukraine.
La décision de certification du gazoduc Nord Stream 2 par le régulateur allemand n’est pas attendue avant mi-2022.
Les stocks de gaz en Europe ont par ailleurs été entamés par un hiver prolongé en 2020 et n’ont pas été suffisamment réapprovisionnés depuis. A cela s’ajoute un apport réduit d’énergies renouvelables, comme l’éolien, pour des raisons météorologiques.
Cette flambée se répercute sur le marché de l’électricité, particulièrement au Royaume-Uni où la production énergétique est bien plus dépendante du gaz et des énergies renouvelables que la France par exemple, où le nucléaire domine dans la production d’électricité.
Face à l’envolée de leurs coûts, la moitié des distributeurs d’électricité britanniques a mis la clé sous la porte depuis cet été.
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