“Le déficit zéro, c’est une faute de l’esprit”

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Dans un entretien au”Soir” voici quelques jours, le président du MR Georges-Louis Bouchez propose d’instaurer dans notre pays une règle, inspirée de la Suisse, qui inscrirait dans la Constitution l’interdiction de tout déficit public. Trois questions à Etienne De Callatay, cofondateur et Chief Economist d’Orcadia Asset Management

1. Cette règle du “déficit zéro” est-elle une bonne idée?

C’est une faute de l’esprit. C’est ignorer les circonstances conjoncturelles, les événements qui ne se répètent pas. Certes, la vente d’un actif de l’Etat n’entre normalement pas dans le calcul du déficit budgétaire, mais un Etat peut devoir faire face à une catastrophe sanitaire comme le covid, à une crise financière, à un tremblement de terre… En outre, cette règle ne dit rien de la qualité de la dépense. Je préfère que l’on dépense un milliard de plus dans l’enseignement si c’est le prix à payer pour avoir de bonnes écoles. Je ne dis pas que dépenser plus est toujours une bonne idée. Certainement pas. Mais la règle du déficit zéro ne fait pas droit à cette notion fondamentale qui est celle de la qualité des finances publiques. On se braque sur un nombre, et dans un autre contexte, Paul De Grauwe avait parlé de numérologie: on se fie à un chiffre dont la méthodologie de calcul est hautement critiquable.

2. Mais pas mal de pays ont instauré des mécanismes similaires. L’Allemagne a sa “règle d’or”…

L’Allemagne a longtemps été adepte du déficit zéro. Mais la règle d’or consiste à avoir un déficit public qui ne puisse financer que les dépenses d’investissement. Et c’est d’ailleurs elle qui a inspiré la règle des 3% (le traité de Maastricht limite le déficit public à 3% du PIB). Ces 3% étaient la moyenne des dépenses d’investissement de la France et de l’Allemagne des 20 années précédant le traité de Maastricht. Mais quelle est la difficulté? Si vous dites que vous pouvez financer l’investissement par l’endettement, vous avez intérêt à avoir du marbre et de l’or dans les bâtiments publics. Il y a une forme d’arbitraire pour déterminer ce qui relève de l’investissement utile ou de l’investissement de prestige. Et donc, plutôt que permettre un déficit à concurrence des dépenses d’investissement, on a permis un déficit à concurrence de 3% du PIB. Les Etats, la Belgique en tête, ont ensuite coupé dans leurs dépenses d’investissement tout en conservant cette limite de 3%. Mais ce n’est pas conforme à l’esprit de la règle.

3. Peut-on imaginer une autre règle pour canaliser les finances publiques?

Oui. Aujourd’hui, il y a davantage d’économistes qui souhaitent instaurer une norme de croissance des dépenses qu’une norme de déficit. Ce qui me semble la règle la plus intelligente est d’obliger la croissance des dépenses à ne pas dépasser la croissance tendancielle du PIB. Je dis tendancielle, pour éviter les problèmes conjoncturels.

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