Une promesse de l’Arizona : « travailler doit rapporter davantage ». Mais sur le terrain, c’est le désenchantement. De plus en plus de Belges estiment que le jeu n’en vaut plus la chandelle. Selon une étude de Partena Professional, 20% des travailleurs envisagent de réduire leur temps de travail, trouvant que l’écart entre revenus du travail et allocations sociales est trop mince.
Travailler… ou pas : un dilemme économique bien réel
Alors que le gouvernement durcit sa politique vis-à-vis des chômeurs de longue durée et que des milliers de lettres d’exclusion ont été envoyées, une réalité paradoxale s’impose : pour beaucoup, le travail n’est plus synonyme de pouvoir d’achat.
Une enquête de Partena Professional, réalisée en collaboration avec iVOX auprès de 2.000 travailleurs belges, révèle qu’un travailleur interrogé sur cinq envisage de travailler moins. Pourquoi ? Parce que cela ne rapporte pas assez comparé au non-travail, c’est-à-dire les allocations sociales ou le chômage.
Et le constat va plus loin encore : un travailleur sur neuf envisage de quitter totalement le marché de l’emploi.
Des écarts importants
« Ces chiffres indiquent qu’il est urgent de prendre des mesures concrètes pour rendre la différence entre travailler et ne pas travailler réellement perceptible », déclare Yves Stox, Managing Consultant chez Partena Professional.
S’il est vrai que deux travailleurs sur dix songent à réduire leur temps de travail, les écarts sont surtout marqués selon les statuts professionnels:
- 27 % des ouvriers envisagent de travailler moins,
- contre 19 % des employés
- et seulement 11 % des fonctionnaires.
Le piège à l’emploi, toujours bien présent
Pour le professeur Stijn Baert, qui a supervisé l’étude, l’explication est évidente : « Les ouvriers perçoivent en moyenne un salaire plus bas. Pour eux, le piège à l’emploi est plus marqué : une personne qui perçoit un revenu moyen-bas ne gagne en moyenne que 6 % de plus lorsqu’elle passe d’une allocation de chômage à un salaire. Aucun pays européen ne fait pire. »
Et la situation est tout aussi préoccupante sur le plan des intentions de rupture totale : un Belge sur dix envisage d’arrêter complètement de travailler. Ce sentiment est plus répandu chez les francophones (14 %) que chez les néerlandophones (9 %), et touche davantage les ouvriers (17 %) que les employés (11 %) ou les fonctionnaires (5 %).
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Du piège à l’emploi au piège des avantages extra-légaux
Si on veut creuser rapidement l’écart entre allocations sociales et salaires, les avantages extra-légaux peuvent être intéressants. En effet, ces avantages sont un moyen pour les travailleurs belges de gagner plus, en net, via une baisse de certaines dépenses. Chèques-repas, voiture de société, plan mobilité, assurance hospitalisation…, les options sont nombreuses.
Selon une étude du prestataire de services RH SD Worx, 72% des travailleurs belges reçoivent des chèques-repas, 50% des éco-chèques et 49% une intervention pour leur trajet domicile-travail. Au total, ces avantages représentent un montant de huit milliards d’euros par an (en 2022).
Mais ces mécanismes peuvent aussi être un piège. Ils sont considérés un peu comme une augmentation, mais sans hausse visible du salaire brut. Ainsi à long terme, et en particulier en fin de carrière, ils deviennent un désavantage pour le calcul du montant de la pension légale, qui sera moins élevé.
Besoin d’un signal fort
« J’attends avec impatience les plans du gouvernement fédéral pour résoudre ce problème », poursuit le professeur Baert. « Le gouvernement De Wever veut permettre aux travailleurs de conserver davantage de leur salaire net grâce à une baisse des impôts sur le travail, mais cela n’est prévu que pour 2029. Si nous voulons réellement augmenter le taux d’emploi d’ici là, nous ne pouvons pas attendre : il faut dès maintenant permettre aux personnes, surtout celles à revenu moyen-bas, de garder plus de leur salaire net. On envisage d’ailleurs d’instaurer cette réduction d’impôts plus rapidement. À suivre ! »
L’étude, menée entre le 8 et le 23 juillet 2025 par Partena Professional avec le soutien du professeur d’économie du travail Stijn Baert, s’appuie sur un échantillon représentatif de 2.000 travailleurs, via le bureau d’études iVOX et en collaboration avec Buffl. La marge d’erreur maximale est de 2,08 %.
Les répondants ont été interrogés sur plusieurs paramètres, dont le sexe, la taille de l’entreprise et la langue maternelle (néerlandais ou français), afin de dégager des tendances précises selon les profils.