Lagarde ne baisse pas la garde
La BCE laisse ses taux inchangés mais semble être moins optimiste que les marchés qui anticipent déjà une première baisse des taux au printemps.
Jeudi, la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de maintenir inchangés ses taux directeurs. Cela signifie que le taux d’intérêt des principales opérations de refinancement reste à 4,50%, celui de la facilité de prêts marginale à 4,75% et celui de la facilité de dépôt à 4%.
Cette décision n’est pas une surprise, et elle repose sur le fait que l’inflation décélère, même plus vite que ce que la BCE avait anticipé en septembre. Aujourd’hui, les économistes de la banque centrale estiment que « l’inflation devrait reculer graduellement au cours de l’année prochaine, avant de se rapprocher de l’objectif de 2 % en 2025. De manière générale, l’inflation globale devrait s’établir, en moyenne, à 5,4 % en 2023, 2,7 % en 2024, 2,1 % en 2025 et 1,9 % en 2026 ».
Des marchés trop optimistes ?
Mais, contrairement à ce que l’on pourrait en déduire des marchés, tout n’est pas si clair sur l’évolution des prix dans la zone euro. Les marchés anticipent six baisses des taux l’an prochain, avec une réduction qui pourrait commencer dès le mois de mars. Ont-ils raison ?
« Nos futures décisions feront en sorte que les taux d’intérêt directeurs de la BCE soient fixés à des niveaux suffisamment restrictifs, aussi longtemps que nécessaire, afin d’assurer (le retour à l’objectif de 2% fixé par la BCE) au plus tôt », indique Christine Lagarde qui ajoute que la BCE va poursuivre son approche qui est de prendre des décisions en fonction des données qui lui seront fournies. « En particulier, nos décisions seront fondées sur notre évaluation des perspectives d’inflation à la lumière des nouvelles données économiques et financières, de la dynamique de l’inflation sous-jacente et de la force de la transmission de la politique monétaire ».
Inflation domestique
Si le premier critère, les perspectives d’inflation, montre une belle décélération, et si le troisième, la force de transmission de la politique monétaire, paraît plus que respecté au vu de la sévère contraction des crédits bancaires, il reste une interrogation sur le deuxième, à savoir l’inflation sous-jacente. Ou plutôt, l’inflation domestique, c’est à dire celle qui est générée non par des éléments externes (comme les prix de l’énergie ou des matières premières importées), mais interne, comme les salaires et les marges des entreprises. « Nous ne devons absolument pas baisser la garde », commente avec un clin d’œil la présidente de la BCE. « Lorsque nous examinons toutes les mesures de l’inflation sous-jacente, il y en a une qui ne bouge pratiquement pas. Elle diminue un peu, mais pas beaucoup, et il s’agit de l’inflation domestique. Or, l’inflation domestique dépend en grande partie des salaires. Nous avons besoin de plus de données, nous devons mieux comprendre ce qui se passe et pourquoi l’inflation domestique résiste. »
Attention à l’emploi
La BCE sera donc plus particulièrement attentive à l’évolution des salaires et donc des tensions sur le marché de l’emploi, ainsi qu’à la manière dont les entreprises vont soutenir le choc de la hausse des salaires induite par l’inflation : vont-elles mordre sur leurs marges, ou augmenter les prix ?
Deux autres éléments pourraient aussi venir perturber la décélération de l’inflation. Il s’agit d’abord des inconnues géostratégiques qui pèsent évidemment sur les marchés pétroliers et gaziers. Si la tension redouble, les prix pourraient remonter. Et le dernier élément est l’impact de la sortie progressive des mesures d’aide aux ménages que les gouvernements européens avaient mis en place, des mesures qui avaient eu pour effet de tempérer l’impact de la hausse des prix de l’énergie, pour les ménages comme pour les entreprises.
« Alors que la crise énergétique s’estompe, les pouvoirs publics devraient continuer de retirer les mesures de soutien correspondantes, dit Christine Lagarde. Cela est essentiel pour éviter d’accentuer les pressions inflationnistes à moyen terme, qui exigeraient, sinon, une politique monétaire encore plus stricte », avertit-elle. Mais rien ne dit qu’en période électorale, les gouvernements auront le courage de réduire ces aides l’an prochain.
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