La sécheresse et la fiscalité font monter l’inflation

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

La hausse des prix à a consommation est toujours plus forte en Belgique que chez nos voisins, et elle est poussée par l’énergie et l’alimentation. La progression importante (5%) des produits alimentaires pose question, à la fois sur l’impact de la sécheresse, mais aussi sur celui de la fiscalité.

Selon une estimation préliminaire d’Eurostat, l’inflation annuelle dans la zone euro est restée stable en juin, affichant une hausse des prix à la consommation de 2%, contre 1,9% en mai. Les dynamiques des mois précédents restent les mêmes, avec des prix toujours un peu trop chauds du côté des services (qui accusent une hausse des prix de 3,3% sur un an), mais une baisse des prix de l’énergie (-2,7% sur un an).

Mauvais élève belge

Toutefois, cette moyenne européenne cache à nouveau une grande disparité entre pays : d’un côté, l’inflation est en dessous de 1% à Chypre et en France. De l’autre elle dépasse les 4% en Lettonie, Estonie, Croatie et Slovaquie. Et la Belgique se trouve également dans le groupe des pays où les prix ne se sont pas assez assagis, avec une inflation de 2,8%, soit la même qu’à la fin du mois de mai. “Dans notre pays, contrairement à la France et à l’Allemagne qui ont enregistré des baisses annuelles des prix de l’énergie de 6,7 % et 3,5 %, les prix continuent de grimper: ils ont augmenté de 1,9 % par rapport à juin 2024.”

Mais c’est surtout dans le domaine de l’alimentation que le bât blesse : les prix alimentaires sont en hausse de 5% chez nous (contre 1,7% en France ou 2,8% en Allemagne).

“Le chief economist de CBC, Bernard Keppenne, souligne que cette hausse ressort également des chiffres de Statbel, légèrement différents de ceux d’Eurostat, calculés pour permettre une comparaison entre pays européens.”

Des prix alimentaires précurseurs ?

« Cette hausse des prix alimentaires est un élément que nous suivons avec attention, parce que nous avons parfois des indications que la hausse des produits alimentaires constitue les prémices d’une reprise de l’inflation, poursuit Bernard Keppenne. Si l’on regarde d’un peu plus près, il y a d’abord un contexte climatique particulier qui joue dans cette hausse des prix depuis le début de cette année ».

« Nous connaissons une sécheresse relativement importante et nous avons donc des volumes de production qui seront beaucoup plus faibles, avec des tensions sur un certain nombre d’intrants qui se manifestent  aujourd’hui. On a vu notamment une tension sur les prix de la viande et du lait. Le prix de la viande a augmenté de 1,2 % sur un mois.  Cela s’explique en partie par l’impact de la maladie de la langue bleue, qui provoque une diminution importante du cheptel. Il existe aussi des problèmes dans le vêlage : un certain nombre de veaux décèdent ou sont mal formés », souligne encore le chief economist de CBC.

Un marché particulier

Alors oui, quand on parle de problèmes sanitaires ou de sécheresse, la situation n’est pas propre à la Belgique. « Nous sommes cependant amenés à consommer des produits qui sont réalisés  en Belgique. Alors, c’est un phénomène qui est global, effectivement, mais sur un marché qui est quand même moins concurrentiel que les marchés français ou allemand, affirme l’économiste. Le marché belge se caractérise par certaines contraintes (il faut par exemple avoir des étiquettes trilingues), il est aussi plus petit en termes de volume et il existe moins de capacité de négociation de marge par rapport aux producteurs. Notre marché est toujours un peu anachronique par rapport aux autres marchés européens ».

« Rage taxatoire »

” Et puis, il y a un autre élément”, ajoute Bernard Keppenne : “nous savons que le marché belge est globalement impacté par la hausse des taxes et accises, qui a également un effet inflationniste ». Les accises sur le tabac et l’alcool, par exemple, ont augmenté au premier janvier.

Dans une note publiée au début de cette année, Carole Dembour conseillère économique senior à la Fevia, l’association qui regroupe les entreprises du secteur alimentaire, soulignait l’importance de cette fiscalité dans le « panier de la ménagère ». «  Pour tout type de boisson, le consommateur paiera (nettement) plus de taxes en Belgique que chez nos voisins. Avec un effet important sur le prix payé à la caisse du magasin », observe-t-elle.

Carole Dembour note que « le handicap fiscal est le plus élevé pour l’eau plate. Pour une bouteille d’eau d’un litre, les consommateurs payent un montant de taxes près de cinq fois plus élevé en Belgique que dans les pays voisins. En ce qui concerne les vins et les boissons « light », le montant des taxes est plus du double que la moyenne des quatre pays voisins. Pour les vins mousseux, c’est le triple. Par ailleurs, la Belgique et l’Allemagne sont les deux seuls pays à imposer des accises sur le café. Ce qui fait que le handicap fiscal est proche de 70% ».

 Et même si ce  handicap fiscal est moins élevé pour la bière, « il est cependant regrettable de constater que l’un des fleurons de la gastronomie belge est en moyenne plus lourdement taxé que chez nos voisins », conclut-elle.

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