La Russie entre en récession
La Russie est officiellement entrée en récession après un recul de 4% de son produit intérieur brut (PIB) au troisième trimestre, selon une première évaluation publiée mercredi par l’agence de statistiques Rosstat.
L’agence de statistiques Rosstat a annoncé ces chiffres dans le prolongement d’un deuxième trimestre déjà plombé (-4,1%) par les lourdes sanctions occidentales prises au printemps pour punir Moscou.
Après deux trimestres consécutifs en négatif, la Russie est donc en récession technique, selon la définition communément utilisée. La précèdente remontait en 2020-début 2021, années marquées par la pandémie de Covid-19.
Importations et exportations limitées, pénurie de personnel exacerbée par la mobilisation militaire, difficultés d’approvisionnement en pièces détachées… : les problèmes rencontrés par les entreprises russes sont aujourd’hui multiples.
Structurellement, l’économie russe est ainsi plus que jamais dépendante de la manne énergétique, responsable d’environ 40% des revenus fédéraux.
Selon le cabinet de Boris Titov, représentant des entrepeneurs auprès du Kremlin, près d’un tiers de 5.800 entreprises russes récemment interrogées subissent une baisse de leurs recettes ces derniers mois.
Et la mobilisation de 300.000 réservistes, annoncée le 21 septembre par Vladimir Poutine, a touché un tiers des entreprises, selon cette enquête citée par le quotidien Kommersant. Une proportion non négligéable, malgré les efforts du gouvernement pour soutenir financièrement les entreprises concernées.
“La situation a continué de se détériorer sans surprise”, notamment dans les secteurs “du commerce de gros et de détail”, de “la construction mécanique” ou encore de “la métallurgie”, commente auprès de l’AFP Dmitri Polevoï, directeur des investissements de Loko Invest à Moscou.
Ce fin connaisseur de l’économie russe anticipait toutefois, comme la plupart des observateurs, “une baisse autour de -4,5%” entre juillet et septembre.
“Restructuration”
Car si l’activité se contracte, la Russie a mieux résisté que prévu, pour l’heure, à l’avalanche de sanctions. Les autorités ont d’abord limité les dégâts en prenant des mesures monétaires strictes, puis ont profité de l’envolée des prix des hydrocarbures, notamment du pétrole, plus facile à exporter.
Les entrepreneurs ont aussi improvisé pour se fournir, en contournant les sanctions, en passant par des pays tiers.
Selon une prévision de la Banque centrale russe réalisée le 8 novembre, le PIB devrait se contracter autour de -3,5% sur l’ensemble de l’année 2022, bien loin des prévisions apocalyptiques envisagées au printemps.
Le pays se trouve toujours officiellement en situation de plein-emploi, avec un taux de chômage à 3,9% en septembre, selon l’agence de statistiques Rosstat.
Après avoir haussé son taux directeur à 20% dans la foulée des premières sanctions, la Banque centrale russe (CBR) l’a fixé à 7,5% depuis mi-septembre et ne prévoit pas de le faire évoluer d’ici à la fin de l’année.
Cette mesure est un signe de la “restructuration” en cours de l’économie russe, selon la cheffe de la CBR, Elvira Nabioullina.
“Et tous les secteurs ne sont pas affectés de la même manière” par les sanctions occidentales, tient à souligner à l’AFP Valéri Mironov, économiste à la réputée Haute école d’Economie (HSE) de Moscou.
Les géants de la tech russe, VK et Yandex, ont par exemple annoncé des chiffres d’affaires au troisième trimestre en forte hausse: le départ de nombreux concurrents étrangers et l’interdiction par les autorités russes des principaux réseaux sociaux américains leur ont notamment permis de renforcer leur position sur le marché national.
L’inflation s’est en outre établie en septembre à 12,63% sur un an, en baisse depuis plusieurs mois, selon des chiffres publiés début octobre par Rosstat.
Mais de l’avis général, le quatrième trimestre promet d’être le plus compliqué. “Le PIB pourrait baisser encore plus, jusqu’à -7%”, pronostique Dmitri Polevoï.
“Les problèmes sont évidemment déjà présents, mais on voit en réalité leurs effets se reporter sur 2023”, observe pour sa part Valéri Mironov.
“Les sanctions sont très puissantes”, a de son côté rappelé le 8 novembre Mme Nabioullina. Selon elle, “leur impact sur l’économie russe et mondiale ne doit pas être sous-estimé”.
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