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La prochaine bataille du secteur automobile se joue dans l’espace

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Pendant qu’on nous parle de la guerre en Ukraine, une autre bataille – heureusement moins sanglante – se livre également dans l’espace. Et cette guerre concerne le secteur automobile.

Nous nous étions habitués à ce que la route soit le seul terrain d’affrontement des marques automobiles. Il faudra garder à l’esprit que cette guerre s’est aussi déplacé dans l’espace. Ce sont mes confrères du magazine français L’EXPRESS qui sont les premiers à avoir dévoilé le pot aux roses : le groupe Volkswagen, via Porsche, envisage de lancer son propre système de satellites pour ses futures voitures autonomes. Le groupe VW a même provisionné 2 milliards d’euros dans ses comptes pour faire aboutir ce projet ambitieux. Quelle drôle d’idée, me direz-vous ? Pas tant que ça. D’abord, parce que le système actuel de positionnement par satellite offre une précision d’environ une dizaine de mètres. Or, cette précision est justement trop imprécise pour des voitures autonomes. Les constructeurs automobiles ont besoin au contraire d’un système GPS plus précis, de l’ordre du centimètre près. Pour y arriver, mes confrères de l’EXPRESS rappellent qu’il faudra plusieurs milliers de satellites en orbite basse, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

L’enjeu est crucial pour le secteur automobile européen. D’autant que ce sont les Américains et les Chinois qui aujourd’hui maîtrisent le mieux l’espace. Déjà sur la route, les constructeurs automobiles ont peur de perdre le contrôle de leur véhicule au profit de Google, Microsoft et les autres GAFA, car la voiture de demain comme vous le savez, sera plus un logiciel autour de 4 roues qu’autre chose. Et celui ou celle qui gère ce logiciel, l’habitacle donc, sera le vrai propriétaire de ces voitures. En plus de ce combat pour le contrôle du logiciel de la voiture de demain, les constructeurs automobiles doivent aussi se battre sur le terrain de l’espace.

Le groupe Volkswagen ne peut pas, par exemple, accepter que ce soient les fusées d’Elon Musk qui envoient dans l’espace ses propres satellites. C’est normal, Elon Musk est aussi le propriétaire de Tesla et donc cela reviendrait pour Volkswagen à se mettre dans la gueule du loup. Comme l’Europe via Arianespace n’a pas une cadence de lancement suffisante aux yeux de Volkswagen, le groupe allemand n’a pas trop confiance dans une solution européenne et souhaite investir dans un micro-lanceur allemand qui devrait devenir son principal partenaire dans ce projet de maîtrise de l’espace pour les voitures autonomes de demain. Mais comme il s’agit d’un projet à coups de plusieurs milliards de dollars, la question aujourd’hui est de savoir si Volkswagen va partager sa constellation de satellites avec d’autres constructeurs automobiles européens ou le garder pour soi pour en faire un avantage compétitif.

Souvenez-vous, le 26 février dernier le vice-premier ministre ukrainien avait interpellé Elon Musk en lui disant “pendant que vous essayez de coloniser Mars, la Russie essaie d’envahir l’Ukraine (…). Nous vous demandons de nous fournir des stations. Elon Musk lui a répondu immédiatement que les “terminaux arrivent”, autrement dit, il a mis à disposition de l’Ukraine ses satellites. En résumé, comme l’Ukraine a été victime d’une cyberattaque qui a paralysé une bonne partie de ses communications, le gouvernement ukrainien ne s’est pas tourné vers l’Europe qui était incapable de l’aider, mais bien vers Elon Musk, un homme d’affaires américain.

Donc, oui, l’Europe qui était à la traîne en matière de communication spatiale a compris – exactement comme Volkswagen – que l’espace, c’est le nouveau territoire de la guerre économique. Là, juste au-dessus de nos têtes – dommage qu’il faille une guerre pour avoir un sursaut de lucidité.

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