Daan Killemaes

‘La politique du gouvernement Michel n’a rien à voir avec la réforme fiscale de Trump’

Daan Killemaes Economiste en chef de Trends Magazine (NL)

“Le gouvernement Michel diminue lui aussi la pression fiscale pour stimuler l’économie. Tant cette politique que son point de départ diffèrent néanmoins totalement de ce qui se passe aux États-Unis”, juge Daan Killemaes, rédacteur en chef du Trends néerlandophone.

‘Donnez aux riches, tout le monde s’en portera mieux. Diminuez l’impôt des sociétés et les taux de l’impôt des personnes physiques, et les entreprises investiront davantage, les salaires augmenteront et l’économie croîtra plus rapidement. De cette manière, une diminution d’impôt pour les riches s’autofinancera.

Cela s’appelle “l’effet de ruissellement” aux États-Unis, ce qui est une variante moderne de la Reagonomics ou voodoo economics, la politique par laquelle Ronald Reagan a stimulé le réveil de l’économie américaine dans les années quatre-vingt.

En Belgique, ce sont surtout les revenus les plus faibles qui profitent de la réforme fiscale

La réforme fiscale de Donald Trump est en premier lieu un cadeau pour les riches, notamment pour lui-même et les grandes entreprises qui le soutiennent. Il y a toutefois peu de chance que cette réforme s’autofinance. Selon le Sénat américain, les plans fiscaux de Trump représentent un coût de 1.500 milliards de dollars, pour des effets retour d’environ 500 milliards de dollars. Les éventuels dégâts d’une augmentation du déficit budgétaire américain ne sont pas encore inclus dans ce montant.

Attention cependant, les États-Unis avaient besoin d’une réforme de l’impôt des sociétés. L’économie est tourmentée par un impôt des sociétés peu efficace et peu équitable, caractérisé par un taux nominal trop élevé assorti de trop nombreuses possibilités de déduction.

De plus, les multinationales américaines ont préféré conserver leurs bénéfices étrangers hors des États-Unis car en cas de rapatriement, elles devaient encore payer 35% d’impôt. Un taux nominal inférieur et une base taxable plus large devraient éliminer ces lacunes.

Il y a peu de preuve qu’une diminution de l’impôt des sociétés se traduira en une explosion des investissements des entreprises et en croissance économique

Peu d’éléments tendent pourtant à prouver qu’une diminution de l’impôt des sociétés se traduira en une explosion des investissements des sociétés et en croissance économique. Apple va par exemple probablement surtout utiliser le bonus fiscal de 47 milliards de dollars pour le rachat de ses propres actions. C’est du capitalisme américain millésime 2017 tout craché.

Plutôt qu’investir, les dirigeants d’entreprise rachètent des actions propres car cela fait augmenter le bénéfice par action et donc leur bonus. Un changement dans la manière de rémunérer les top managers aux USA ruissellera davantage vers le reste de l’économie qu’une diminution de l’impôt des sociétés.

Le timing de la diminution d’impôt de Trump est également maladroit. La politique des “Reagonomics” a eu un impact car les USA venaient juste de vivre une sérieuse récession et parce que les taux d’imposition marginaux étaient à l’époque effectivement trop élevés et dissuasifs. En outre, Reagan a également mené une politique keynésienne en augmentant considérablement les dépenses publiques, surtout pour la défense, afin de financer une course à l’armement qui a mis l’Union soviétique à genoux. La reprise d’alors a probablement tout autant été la conséquence d’une politique de l’offre que d’une politique de la demande.

L’Américain moyen a bien davantage besoin d’une diminution d’impôt pour la protection du pouvoir d’achat que la couche supérieure la plus riche

Aujourd’hui, le cycle conjoncturel américain est beaucoup plus mature, ce qui explique pourquoi une politique de stimulation aura peu d’effet. Seul le salaire de l’Américain moyen en veut encore, notamment du fait de la globalisation et de la numérisation. L’Américain moyen a bien davantage besoin d’une diminution d’impôt pour protéger le pouvoir d’achat que la couche supérieure la plus riche, particulièrement dans un contexte de grande inégalité des revenus qui s’accentue encore aux États-Unis. Une diminution d’impôt sur mesure pour les revenus les plus faibles aurait un effet de ruissellement beaucoup plus grand.

La tentation est grande de faire une comparaison avec la Belgique et d’accuser également le gouvernement Michel d’une forme douce de voodoo economics. Le gouvernement Michel diminue lui aussi la pression fiscale pour stimuler l’économie. Tant le point de départ de cette politique que la politique elle-même diffèrent néanmoins entièrement de ceux des États-Unis. La Belgique est l’un des pays les plus redistributifs. Aux classements des dépenses publiques et de la pression fiscale, nous restons invariablement en tête.

En outre, les revenus les plus faibles profitent ici particulièrement de la réforme fiscale. La réforme de l’impôt des sociétés n’est également pas un grand cadeau pour les riches. L’impôt sur les revenus du patrimoine a même sensiblement augmenté ces dernières années. L’impôt sur l’entrepreneuriat tourne toujours autour de 50%. Trump fait donc du voodoo, mais pas Michel.

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